Quelque chose avait attiré l’attention de Noé. Avec la routine plantée dans son ordinateur du Crédit, il ne lui avait guère fallu plus de cinq minutes pour accéder aux comptes de Jean Claude Lazar à la Société postale. Une banque populaire pour un homme qui tentait de le faire croire. Ses comptes recouvraient une dizaine de placements tous bien fournis et un compte courant alimenté par quelques entrées régulières. Son salaire d’adjoint au maire, la plus importante, et des indemnités à la somme variable mais régulière. Sans doute des frais liés à son poste. Rien de suspect en somme. Alors Noé avait lancé une recherche auprès des autres banques. Et Jean Claude Lazar n’y figurait pas. Mais son numéro de sécurité sociale si. Sous le nom de Robert Dautrefois. Noé n’avait pas eu besoin de chercher plus loin. Il n’y avait que trois entrées. Des dépôts. En liquide. D’un montant variable. Entre le premier et le cinq de chaque mois. Il savait ce qu’elles recouvraient. La dope. Le proxénétisme. La traite. Trois revenus parallèles qui n’étaient versés sur aucun compte. Monsieur vivait à la papa. Mais il était déjà millionnaire. Une chose avait attiré son attention. Sur les deux derniers mois un versement manquait. Cela indiquait qu’un de ses commerces ne répondait plus. Deux options étaient envisageables. Les types s’étaient mis à faire cavalier seul. Dans ce cas, il allait y avoir du sang. Soit le branche avait subi un coup d’arrêt. Dans ce cas, une situation de crise devait être gérée. Dans les deux cas, Monsieur Lazar devait gérer quelque chose qu’il ne voulait pas qu’on voit. C’était la chance de Noé. C’était leur chance à tous les quatre. L’homme, quel qu’il soit, est toujours plus vulnérable lorsqu’il est fébrile. Noé avait donc choisi de ne pas le lâcher. A 7h30, il l’avait vu sortir de son immeuble et quitter son appartement place Leclerc pour se rendre dans son bureau. Il regrettait de ne pouvoir compter sur Hakim pour l’écouter. Toujours est il que la matinée se passa très lentement sans la moindre allée ou venue intrigante. Que de la cravate ou de la bohème. Quand midi trente sonna, il suivit son lascar jusqu’au bistrot du Boucher. Il prit une table juste derrière, lui tournant le dos. Un instant auparavant, leurs regards s’étaient croisés. Mais rien ne s’était passé. Il n’avait pas reconnu Noé. Fumier. Quelques minutes plus tard, un homme en jean et basket vint le rejoindre. Noé tenta bien de saisir leurs propos mais le bistrot était bien trop bruyant à cette heure ci pour suivre une quelconque conversation. De toute façon, ils ne restèrent guère plus d’une demi heure. Bien que l’homme aux jordan l’intrigua davantage, Noé décida de rester avec Lazar. Il voulait voir à quel moment il allait se dévoiler. Tout le reste en découlerait. Comme une pelote que l’on déroule. Noé fut surpris de le voir prendre le bus pour se rendre au chantier de la cité judiciaire, puis de rejoindre le maire pour l’événement culturel de la rentrée. Un mix entre art contemporain et histoire pictave. Là, l’homme aux jordan le rejoint et ils s’isolèrent en fin de cortège. Noé, aux pieds de la passerelle, les vit s’échauffer. On y était. Quelque chose avait animé les deux hommes. De toute évidence une insatisfaction de Lazar aux propos de son interlocuteur. C’était donc lui. C’était lui le contre maître. Le bras droit caché. L’homme de l’ombre. Noé se dit qu’une recherche de son profil sur le net pourrait certainement lui apporter quelque chose et décida de le prendre en photo. Les deux hommes se séparèrent alors et la visite reprit pour Lazar. Puis, à 16 heures, il regagna son appartement et, alors que minuit sonnait, il n’en était toujours pas ressorti. Pourquoi le ferait il ? Non. Noé s’attendait à de la visite. Elle arriva à peine 1 heure sonnée. L’homme aux jordan. Avec une enveloppe. Glissée dans la boite aux lettres de Lazar. Et une pression sur sa sonnette avant de partir à marche forcée. C’était maintenant que Noé devait agir. Il ne réfléchit pas plus d’une seconde et quitta le sas de la Banque Lyonnaise en face de l’immeuble de Lazar et força sa boite aux lettres avant de s’emparer de l’enveloppe et de retourner à sa planque. Trente secondes après Lazar était là. Quand il vit sa boîte aux lettres il pesta puis regarda tout autour de lui. Noé sortit à cet instant du sas. Une fois encore leurs regards se croisèrent. Et une fois encore Lazar ne reconnut pas Noé. Mais il l’interpella. - Bonsoir - Oui ? - Dites vous n’auriez pas vu quelqu’un entrer dans l’immeuble ? - Euh, non, je n’ai vu personne. Pourquoi ? - Parce qu’on vient de dégrader ma boîte aux lettres. - Non. Non, désolé. Bonne soirée. - Merci. Bonne soirée. Dans son dos, le blouson de Noé se souleva sous l’effet d’une rafale de vent mais Lazar était déjà remonté dans son appartement et il ne vit pas l’enveloppe qui dépassait du jean de Noé.
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