La journée se terminait comme elle avait commencé pour Karim. Dans l’urgence. Un accident sur la rocade. Les pluies battantes des derniers jours avaient détrempés les routes et l’aquaplanning n’était pas un fait coutumier des pictaves. Alors deux voitures avaient freiné sur les hauteurs de Buxerolles. Et trois s’étaient rentrées dedans. Bilan : 6 admissions dont deux avec pronostic engagé. Il sortait juste de la salle de déchoquage il venait de masser pour la troisième fois de la journée, avec plus de succès cette fois-ci, que son cadre lui tombait dessus. A son regard, encore, il y avait urgence. Il prit le temps de se laver les mains avec de la solution hydro alcoolique. Fiona Ducros n’avait pas attendu que ses mains soient sèches. - Ah, Karim, il faut que je vous parle. - Qu’est ce qui se passe ? - On vous attends à la RH. - Hein ? - Madame Cousin vous attends. Elle tient à s’entretenir avec vous. - De quoi ? - Oh, je ne sais pas, mais attendez vous au pire. - Au pire ? Mais pourquoi ? Je fais mon boulot, non ? - Oui, oui et très bien même, je le lui ai rappelé. - Si ce n’est pas pour cela, pourquoi ? - Elle m’a dit qu’elle devait vous rappeler votre pla...écoutez, soyez honnête avec elle, elle est impulsive mais elle sait écouter, alors soyez franc et ne cherchez pas à dissimuler quoi que ce soit. - Vous me faites peur. - Écoutez moi et ça se passera bien. Allez, filez ! Dubitatif, Karim se dépêcha néanmoins de se changer et cinq minutes plus tard, le temps d’atteindre l’ Agora , il toquait, trempé, à la porte de la directrice des ressources humaines. - Ah ! Monsieur Jaïsh. Entrez. Karim s’exécuta et alla s’asseoir sur le siège qu’elle lui désignait. Il s’essuya le visage et le front avec ses mains et ses mains avec son jean puis la regarda, sans trop savoir en quoi il devait être honnête. Les cinq minutes de trajet ne l’avait pas aidé. Des fautes, on en commet tous, se disait il et il n’échappait pas à la règle. Alors bon nombre de certains actes limites en matière d’hygiène ou de ponctualité lui étaient revenus. Même si c’était à 95 % du passé. Tel était bien le cas, il avait eu un comportement asocial pendant plusieurs mois. Et dire à son employeur que l’on est abstinent est une circonstance au mieux suspecte au pire aggravante. Ce qui fait qu’il ne savait pas comment être honnête. Si bien que les premières paroles de la DRH le désarçonnèrent. - Quel votre statut, Karim ? Vous permettez que je vous appelle Karim ? - Titulaire de la Fonction Publique Hospitalière. Bien sûr que vous pouvez m’appeler Karim. - Bien, Karim. Et vous savez sans doute ce que recouvre ce statut. - Que j’ai des avantages financiers supérieurs aux contractuels et que je me dois au devoir de réserve. - Voilà. Voilà ce qui me chagrine avec vous Karim. - Quoi donc ? Je n’ai jamais encaissé plus que ce qui m’était dû. - Reçu Karim. On est pas dans le 9-3 ici. - Oui, excusez moi, reçu. - Mais ce n’est pas de cela que je veux parler. Je veux vous rappeler ce que devoir de réserve englobe. - … - Il englobe tout votre temps. Y compris votre temps libre. Et vous avez défrayé la chronique ces derniers temps. N’est ce pas ? - Je… euh… J’ai été emporté par le tourbillon des événements et ai témoigné à un procès mais je n’ai jamais fait part de cela à qui que ce soit et suis toujours resté en retrait, je crois. - Vous n’aviez pas à témoigner à ce procès. Votre compagne l’avait fait. Nous passons pour des justiciers. Ce que nous ne sommes pas. Est ce que vous comprenez ? - Je n’avais pas l’intention de me faire passer pour un justicier encore moins l’insti… - Vous êtes sous le coup d’un blâme. Avec un mois de mise à pied sans solde. Et vous pouvez remercier vos amis. - Quel… - Ne me prenez pas pour une cruche, vous vous en sortez bien parce que l’on m’a demandé de vous ménager. Pour moi c’était un motif de licenciement. Prenez le temps de réfléchir à tout cela.
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