Rose Giovanni le regarda avec un air compassé. Comme si Stéphane était pris au piège et qu’il n’y était pour rien. Comme s’il était une victime. Elle ramassa le tas de feuillets de sa comptabilité et les glissa, bien rangés, dans une chemise à élastique. Autant dire que tout était joué. Il n’y avait rien d’autre à faire que de payer. 15000€. Bordel, cela allait le couler. - Vous êtes sûre ? - Oui, Stéphane, malheureusement. j’aimerais vous dire qu’il y a des recours possibles mais il n’y en a pas. Vous avez peut-être omis de le payer, mais pour l’administration cela équivaut à une fraude. Que vous le vouliez ou non. Je suis désolée. - Pas autant que moi. - Écoutez, je peux peut-être demander un échelonnement des arriérés, mais vous aurez une surtaxe supplémentaire. - De combien ? - 2 % du montant. - Pfffffff…. Stéphane prit ses documents et les fourra en désordre dans le classeur de la comptabilité qu’il avait voulu lui montrer il y a deux jours. Autant dire qu’il était dégoûté et furax. Alors il n’allait pas leur faire le cadeau de 2 % supplémentaires. Si seulement il avait opté pour le statut d’entreprise individuelle au lieu de EURL...il aurait pu puiser dans les indemnités de l’affaire Front Identitaire qui faisait plus de petit qu’il ne pouvait en manger. Seulement voila, il ne pouvait pas. Et ce qui était censé le protéger risquait bien de le faire couler. Merde. - Laissez tomber. Je vais leur faire leur satané chèque. - Je m’en occupe. Un virement sera plus rapide. - Vous avez raison. - Au revoir Stéphane. - Rose… Stéphane la regarda mettre son manteau et prendre sa sacoche. Elle était moins forte qu’il ne l’avait pensé. Bien qu’elle ait des formes généreuses, elle les portait avec dynamisme et vigueur. Cela la rendait encore plus sympathique à ses yeux. Il eut envie de lui courir après une fois qu’elle eut disparue de sa vue. De lui courir après et de l’embrasser. Mais pour elle il n’était qu’une victime. Un boloss. Autant dire que ses chances étaient presque nulles. Et puis elle devait avoir quelqu’un dans sa vie, évidemment. Il soupira un grand coup puis rangea son classeur et sortit à son tour de la panic room. Ibrahim discutait avec des lycéens. L’échange était feutré et calme. A l’image d’Ibrahim. Quand il vit Stéphane il salua ses deux compères et vint à sa rencontre. - Alors ? - Alors quelqu’un nous en veut. Il nous en veut tellement qu’il veut nous couler. Tous les trois. Et si on ne fait rien, c’est exactement ce qui va arriver. - Qu’est ce que vous comptez faire ? - Ne pas me laisser faire, justement. Je te laisse le bouclard. Je file au commissariat. - Pour porter plainte ? - Pour discuter. - Mais…. De quoi ? - De la presse et des conséquences des informations calomnieuses. - Vous ne devriez pas. - Et pourquoi donc ? - Parce qu’ils ne vous écouteront pas. Ce sont des gens bornés et dépassés qui ne pensent qu’à faire gonfler leurs statistiques et non à rendre justice. Stéphane le regarda avec surprise devant la maturité de son propos. Comme si le gamin avait la sagesse d’un vieux Bouddha. Il faut dire qu’il avait vécu tellement de choses en si peu de temps qu’il avait bien plus de jugeote que la plupart des gens. Et comme il était loin d’être bête, il devenait particulièrement lucide. Mais Stéphane n’avait pas l’intention de voir les bleus. C’était à leur patron qu’il allait parler.
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