Noé et Karim attendaient Stéphane en silence. Ils ne s’étaient qu’à peine adressés la parole, juste salué comme il se doit. Depuis, Karim enchaînait les tirs sur le terrain du fond sur le bitume crème marqué du P de Poitiers . Les feuilles s’amassaient sous les arbres. Le vent les faisaient voler inexorablement. Et Karim continuait de shooter, maugréant de temps en temps contre les éléments. Contre les éléments ou contre son propre sort. Il n’avait pas eu le courage de parler de sa mise à pieds à Noé. Pas la peine d’embêter les autres avec ses problèmes. Il devait d’ailleurs en avoir suffisamment vu sa tête. Il le regarda un instant. Il hésita à le rejoindre au bord du court central il regardait la partie se dérouler, bien emmitouflé dans son sweat capuche Jordan. Le ballon disparaissait presque sous sa stature. Pourtant il avait les épaules voûtées et le regard autant sur le sol que sur la partie. Pas la peine d’en rajouter. Ce devait être son cousin. Son intégration avait été facile jusqu’à présent. Peut-être était ce moins le cas. Cela lui fit relativiser ses petits problèmes de fonctionnaire mis à pieds. De toute façon demain il irait voir les syndicats et tout rentrerait dans l’ordre. Il s’était renseigné. Témoigner devant un juge ne pouvait aller à l’encontre de son devoir de réserve. C’était un devoir de citoyen. Les deux étaient donc compatibles. C’était tout simplement de l’abus de pouvoir. - Comment va Ibrahim ? - Hein ? - Des problèmes avec ton cousin, t’as l’air dans le flou, mon pote. - Oh. Non, non mon cousin va très bien. J’suis juste claqué. Et toi, tu dis pas un mot ? - Oh, le boulot, c’est tout. - Ouais, si seulement on était riche… - Et dire qu’il y en a qui le croient… - Tu parles ! Des jaloux ignorants, voila tout. - C’est clair...Tu sais ce qu’il fabrique le Stef ? - Il avait rendez vous avec sa comptable… - Hin ! Le vilain ! Ils partirent tous les deux dans un éclat de rire entendu. Le saligaud, pensaient ils tous les deux, il a pécho. Cela eut le don de les ragaillardir et ils commencèrent, à jouer et à s’échauffer comme il se doit sur un des terrains annexes. Après s’être dérouillé les jambes, Noé réussit à claquer deux ou trois dunks qui firent tourner la tête depuis le terrain central. Ils ne virent pas arriver Stéphane, soucieux lui aussi. Il en profita pour se défaire de son sac, regarder sa messagerie puis ranger son portable avant de sortir son ballon et de commencer à dribbler. Il commençait à faire froid. On approchait de 16 heures et le temps avait passé plus vite qu’ils ne l’avaient vu. L’hiver se rapprochait. Stéphane se mit directement à s’échauffer. - Salut les boulets ! - Regarde le ! On avait raison, il a pécho ! - Bien ouèj, gros ! - N’importe quoi. A la façon dont il prononça ces derniers mots le visage tourné vers le sol, ils comprirent qu’ils s’étaient trompés. Ils arrêtèrent de dribbler, Karim balança un air ball et tous les deux vinrent vers lui. Noé lui posa son gros bras sur l’épaule. - Bah, t’en fais pas, y’en aura d’autres. - Ouais, ouais. - Il a raison, Stef, te fais pas de mourron, ça aussi ça demande un peu de remise en route. - Ouais, bon, on joue ? Karim flanqua une grosse claque dans le dos de son pote et entraîna ses deux potes à la lisière du terrain bleu. Il était temps de faire ses preuves et de se défouler sur des jeunots. - On prend les gagnants. Les deux équipes continuèrent de jouer sans réagir. Karim répéta alors son injonction, et s’attendit à ce que, comme le veut la règle, on lui réponde. Un petit black mastoque et baraqué qui ne prit même pas le temps de s’arrêter leur répondit bien. - On joue pas avec des tricheurs. Dégagez les poucaves.
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