Depuis son bureau, Noé, les mains posées sur les genoux, contemplait la vie qui profitait dans les locaux de l’agence dont il était responsable. Ziad qui passait sa tête pour voir s’il pouvait vapoter sans que personne ne le sache. Jerôme toujours aussi studieux. Et le va et vient, un peu plus loin sur la droite, simple présence sonore, des clients venus demander quelque chose à Caroline. Caroline. Toujours d’humeur aimable. Toujours souriante. Elle devait avoir la gorge serrée lorsqu’elle lui avait passé Rabotin il y a moins d’un quart d’heure. L’échange avait été bref. Rabotin aussi était mal à l’aise. Quant à Noé, il n’était pas surpris. Ce que Karim venait de lui apprendre ne faisait que confirmer la décision de sa hiérarchie. Il était dans la merde. Dans la merde à cause d’un politicien véreux qui faisait croire à tous les poitevins qu’il était victime d’une cabale. Que sa famille était victime d’une cabale. Dont eux, Karim , Stéphane et lui étaient les instigateurs. Alors que pouvait il attendre de sa hiérarchie ? Un procès ? Un sondage d’opinion ? Non, le temps était orageux. Alors tout le monde sortait son parapluie. LE. C.H.U. Le Crédit Populaire. Normal. Rien de plus normal. Quelque part, Noé était presque soulagé. Oui. Il était fatigué. Son travail n’avait plus la même saveur. Il ne supportait plus les doléances des clients. Ou leurs sous entendus. Il en avait marre d’accorder des rallonges de découvert à des gens qui ne faisaient que boire ce qu’il n’avait pas. Il en avait marre de gérer des tableurs excel pour la paie, le personnel, les statistiques financières, les revenus produits, les produits vendus, les crédits. Tout cela avait le goût âcre de l’overdose. Il finit donc par se lever et prendre son carton. - Caroline ! Le jeune femme arriva d’un pas pressé, le visage grave. - Je peux vous demander un service ? - Bien sûr, monsieur. Comment puis je vous être utile ? - Faites en sorte que l’on ne m’appelle pas pendant mes congés. Personne. Pour aucun motif. Caroline porta alors son regard sur le carton que Noé portait d’une main. Puis elle le regarda droit dans les yeux. Quelque chose aurait du être dit. Mais rien ne troubla le silence entre eux deux. - Bien monsieur. - Merci. Noé la regarda s’en retourner à son guichet. Il se demandait combien de temps elle pourrait tenir sans dévoiler le pot aux roses. Elle craquerait. Inévitablement. Même si Noé bouclait son bureau à double tour, quelqu’un finirait par y découvrir le vide qu’il y laissait. Il balaya du regard la pièce, et se rappela qu’il n’avait pas éteint son ordinateur. Merde, ses filles allaient l’attendre. Il posa son carton sur la chaise à l’entrée et revint s’asseoir. L’ordinateur était encore ouvert sur le compte du client du centre ville. Ce ne serait pas Noé qui lui dirait pour son prêt. Encore un soulagement. Le type n’avait pas besoin de prêt d’ailleurs. Vu ses actifs il pouvait presque racheter l’agence. Quelque chose se passa alors dans la tête de Noé. Un truc qui ressemblait à de la rancune transformée en rage. Ils allaient voir ces enculés. Il farfouilla dans son carton et sortit la clé que lui avait donné Anna. Une petite routine qu’il n’avait jamais installé jusqu’à alors pour disposer des ressources de son ordinateur depuis un autre poste. Il n’avait pas voulu l’installer parce qu’il n’avait jamais voulu ramener du boulot à la maison depuis qu’elle était là. Mais il allait avoir du temps à tuer, alors…
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L’ANTIDOTE
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