La conversation avait été brève. Limpide. Jean Claude Lazar venait d’annoncer sa candidature à la mairie de Poitiers. C’était officiel. Contre le maire actuel. Avec le soutien de la nouvelle majorité. Et un bilan en béton. Qui expliquait tout. Tout comme il éclairait leur situation à tous les trois. Et ce que Karim lui avait aussi dit. Le travail de son beau frère. Les opportunités professionnelles magiques. Les tremplins pour la paix et le silence sur les sombres affaires de Lazar et, en prime un coup de pouce pour sortir son frère de prison. Noé éteignit sa cigarette électronique et remonta son sweat en fermant sa baie vitrée. Le jour se levait. Clair et bleu azur. En contre bas la ville aussi s’éveillait, les diodes rouges des voitures brillaient encore. Circulation fluide. Trafic apaisé. Ville tranquille. Ville bourgeoise. Ville facile à prendre. Facile à dominer. Bordel. Ce fumier allait détruire leur vie pour une ville. Parce qu’ils en savaient trop. Parce qu’ils étaient toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Parce que les Vorzy Vzakone l’avaient laissé tomber. Alors il n’avait pas d’autre choix que de les mettre seul hors d’état de lui nuire. Limpide, en effet. Sa tribune n’était qu’un contre feu. Une manière d’attirer la lumière douteuse des gratte poubelles sur eux. Déjà les articles s’amoncelaient sur le passé de Stéphane. Sur l’addiction de Noé. Sur les fréquentations de Karim. L’opinion était aujourd’hui contre eux. Sans qu’ils n’aient jamais rien demandé. Une rumeur. Juste une rumeur qui enflait et les paralysait tous les jours un peu plus. Plus de boulot. Plus de sorties. Plus de basket. Merde. Ça ne pouvait plus durer. En fait ils n’avaient pas d’autre options que de réagir. Il ne pouvaient rien faire d’autre de toute façon. La question était de savoir comment être le plus efficace. Mais encore tout était limpide. Noé prit la clé ancestrale que Karim lui avait fait passer sur sa table basse, ralluma sa cigarette, tira deux taf et sortit de son appartement. Dans l’ascenseur, une vieille dame se mit à son opposé. Il ne portait aucune maladie contagieuse pourtant. En fait si. Socialement. Socialement, il était dangereux et infréquentable. Il la salua quand même en sortant. Elle répondit timidement. C’était toujours ça. Il faisait frais pour un début mars. Les caprices du temps. Les caprices du temps déréglé. Il pouvait faire 20° en hiver maintenant. Et geler au mois de juillet. Un repère de moins. Une fuite en avant de plus. Sous les beaux discours, la réalité se révélait pugnace. Elle ne changeait pas. Il tira encore sur sa vapot’. Puis monta dans son captur, la clé dans sa main. Il la posa sur le siège passager. Ce qu’il s’apprêtait à faire risquait de le mettre en danger. Il le savait. Il n’avait pas le choix. Il trouva à se garer rue des Carmélites. Une place à son début. En cinq minutes il était à l’accueil du commissariat central. Un type entre deux âges qui boitait l’accueillit avec le sourire. - Monsieur ? - Bonjour, je souhaiterais voir le commissaire Monchaud. - Vous avez rendez vous ? - Non. Mais c’est une question de vie ou de mort. - De vie ou de mort ?!? Et si vous commenciez par m’expliquer ? - Je n’ai pas le temps. Ce serait trop long et vous rigoleriez. Son bureau est toujours au dernier étage ? Le type essayait toujours de sortir de derrière son comptoir que la porte de l’ascenseur se refermait. Pauvre bougre. Il n’y était pour rien. Quand Noé poussa la porte du commissaire sans frapper, il eut droit à son regard de tueur. - Non, mais vous vous prenez pour qui ? - Pour un gars qui a besoin qu’on le prenne au sérieux.
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