Le visage en bosse et ecchymoses de Stéphane jurait avec son sourire. Un œil mi clos, il rentrait toujours avec la même aisance ses shoots. Et il riait de bon cœur lorsque Karim et Noé disait de faire une passe à Quasimodo. Peur. Ils faisaient peur. Tous les trois. Ils riaient de bon cœur, se foutant largement de l’adversité. Ils étaient arrivés au Jardin des Plantes juste après que le tribunal correctionnel ait prononcé sa sentence. Lazar était frappé par 5 ans inéligibilité, et 3 ans de prison dont deux fermes. Peine exemplaire. Peine justifiée. Restait encore à démêler tout ce qui avait affleuré. Tout ce que Karim, Noé et Stéphane n’avaient pas caché, renvoyant les juges à leur laxisme passé. Les Vorzy Vzakone n’étaient plus là. Mais le crime organisé l’était toujours. Et Lazar en était la tête. Noé avait même sorti la liasse de billets qu’il lui avait dérobé au moment de passer à la barre. Monchaud leur avait fourni l’avocat pour. Un petit taiseux. Une anomalie qui faisait de chacun de ses mots une sentence. Les diaporamas avaient défilé. Avec les noms de ceux qui les avaient bannis de leurs fonctions. Et tous avaient eu la tête lourde et le teint blafard au moment de reconnaître ce à quoi ils s’étaient livrés. Maintenant la balle était dans le camp du juge d’instruction. Et de Monchaud. Pas de doute, les choses n’en resteraient pas là. Si bien que tout autour d’eux, les joueurs les regardaient différemment. Cela aurait pu être du respect si tout cela n’était déjà sur le web. Non. C’était bien de la peur. Quoi de plus normal quand on voyait la tête de Stéphane. Quoi de plus normal quand on entendait le commissaire Monchaud, en treillis et rangers se foutre de leur gueules sur le bord du terrain. - Non mais comment vous pouvez rester sur le terrain, bande de balances ! Il n’y a personne pour les déloger ou quoi ? On m’avait dit que le Jardin des Plantes c’était comme le Rucker Park, vous êtes vraiment des guignols ! Et la peur s’enracinait davantage. Et leur jeu était plus fluide. Libéré. Pourtant personne ne savait qui était ce body builder. Personne ne se doutait de ce qu’il était en train de faire. Personne. Il envoyait un message. Un message à tous ceux qui croyaient ce qu’ils lisaient. Qui croyaient ce qu’ils entendaient. Comme on croit à la véracité d’un propos parce qu’il est relayé au point de devenir vérité. La rumeur se construit ainsi. Un papier calomnieux. Des suspicions qui le confirment. Des grandes gueules cachées derrière leurs smartphones. Et des pigeons qui jouaient les chantres de la morale. L’époque était ainsi. Tout le monde pouvait écrire. Tout le monde pouvait dire sa vérité. Au point qu’il n’y avait plus de différence entre un propos étayé et un propos relayé. La tendance était même à voir dans le nombre de like une plus grande crédibilité que dans un papier renseigné. Les réseaux sociaux. Twitter. Facebook. Instagram. Snapchat. Autant de possibilités de faire de la popularité un gage de véracité. Mais quand la loi venait à s’appliquer. Oui, quand la loi venait à rendre son verdict. Après avoir pris son temps. Après un débat contradictoire. Après une enquête. Après des déclarations qui ne souffraient pas le mensonge, tout cela renvoyait ceux qui s’y adonnaient à leur propre vide. Un vide sidérant. La peur fait chair. Si bien que lorsque ceux qui en avaient été victimes avaient eu la force de les renverser, la chair devenait marque de respect. Tout consistait à n’en être pas dupe. L’enracinement de ce mode de communication était maintenant irréversible. Et ses garants était le nombre. Aussi sous la peur affleurait la haine. Une haine sournoise et vicieuse. Qui vous prenait toujours en traître. Alors Noé avait poussé ce petit noir qui les avait insulté quelques semaines auparavant sans la moindre once de culpabilité et avait fait tremblé le cercle jusqu’à la planche. Il n’y avait pas de demi mesure à avoir avec les couards.
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