Ce qui avait saisi en premier Stéphane en ouvrant son magasin avait été l'odeur de pisse. De pisse et de merde. Mêlée à celle de la crasse. Un crasse ancienne, accumulée. Elle couvrait même l'odeur des fruits que l'arrêt du magasin avaient malmenés. Ensuite, il avait découvert la raison de cette pestilence. Un homme était couché en chien de fusil. Il ronflait comme un bienheureux. Et puait. Puait si fort que cela éclipsait tout le reste. Les bouteilles pour la plupart à moitié bues, de rhum, de whisky, de vodka et de soda. Cela avait se passer comme pour un gamin laissé seul dans un magasin de bonbon. La fête. Il se pencha, une main sur le nez et le bousculant doucement. Le gars arrêta de ronfler, grogna et se tourna sur son autre côté. Putain. Il s'était pissé dessus. Ignorant l'odeur, autant triste que dégoûté, Stéphane le secoua une peu plus fort. • Hein ? Quoi ? • Bonjour. Je suis Stéphane. Et vous êtes chez moi. • Chez vous ? Hein ? Le type se redressa sa tête chiffonnée et ses yeux injectés de sang ne cachaient même pas l'état de son esprit. Dans le brouillard. Puis il vit qu'il s’était pissé dessus et sa tête tomba à la renverse. Excusez moi monsieur, mais j'avais nulle part aller. Je vais tout nettoyer et vous rembourser, mais s'il vous plaît monsieur, appelez pas la police. Ils ne m'apprécient pas. Stéphane l'aida à se redresser et l'invita à s'asseoir sur un chaise. De toute façon il était bon pour tout javéliser. Il coupa le babyphone d'Yvan qui pointa aussitôt son nez et repartit dans la foulée en dodelinant de la tête devant le traitement que Stéphane accordait à son voleur. Seulement Stéphane ne voyait pas dans ce type un voleur. Il voyait une âme perdue. Un pauvre bougre. Et il avait envie d'en savoir plus. D'abord sur la manière dont il avait su qu'il pouvait entrer. Et ensuite comment il avait fait pour glisser tant ses réactions ne collaient pas avec son état. Un clodo qui se pisse dessus, n'y fait même pas attention. Et il n'utilise pas le verbe apprécier pour évoquer ses relations avec les forces de l'ordre. • Vous voulez une bouteille d'eau ? • Vous avez pas du doliprane aussi ? • Alors, je veux bien beaucoup de choses mais faut pas pousser. • Excusez moi. Je veux bien une bouteille d'eau oui. • Alors dites moi, comment êtes vous entré dans mon magasin ? Bah y'avait pas la devanture et un pote m'avait expliqué comment leurrer les cellules des portes de magasins alors... écoutez, je suis artiste, je vends des dessins sur le marché des Couronneries tous les mercredis et tous les dimanches. J'ai quelques économies, je peux vous rembourser. • Vous savez que nous sommes confinés, quand même ? Bien sûr, mais si vous me laissez deux heures, je vous rembourse. Je préférerais que vous me disiez comment éviter que d'autres que vous n'entrent dans mon magasin lorsque la porte est fermée, monsieur ? • Fanfan. On m'appelle Fanfan.
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Intouchable
L’ANTIDOTE
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