Il y avait eu un temps de flottement. Un moment tout le monde se demandait si c’était vrai. Et puis le 11 mars tout le monde l’avait pris de plein fouet. La pandémie de COVID 19 était arrivée. Chez nous. Des clusters comme ils disaient faisaient état de centaines de contaminations. Alors le C.H.U. s’était réorganisé. Complètement réorganisé. Les lits de consultations et de chirurgie avaient fermés. Les services de maladies infectieuses, de réanimations et de soins continus ne recevaient plus que des patients souffrant de cette infection et pour le personnel, il y avait ceux qui n’avaient plus le droit de mettre un pied à l’hôpital et les autres qui, par leur parcours étaient réquisitionnées pour prêter main forte aux services en première ligne. Karim était de ceux là. Il avait été réaffecté dès le 8 mars sur la réanimation médicale. Et le 15, tous ses patients étaient atteints de formes sévères du COVID-19. Et c’était éprouvant. Particulièrement éprouvant. De voir tous ces gens entre la vie et la mort. Sans que personne ne puisse venir les accompagner. Il avait déjà tenu trop de mains jusqu’à leur dernier souffle pour rester solide dans sa tête. Seule Aïsha lui permettait de garder le cap. Ça allait passer. Ça allait forcément passer. Mais au 27 mars le nombre de nouveaux patients obligeaient à pousser les murs. Et ils n’annonçaient pas de décrue avant quinze jours. Putain. Ce matin, en prenant son service, équipé comme un cosmonaute, il attendait avec impatience le briefing quotidien sur les nouvelles mesures qui allaient devoir être respectées. Et il avait une question. Une seule question. Le professeur Labruffe leur expliqua en introduction que la vague allait encore monter et des effectifs supplémentaires allaient être réquisitionnés. Il leur avait aussi dit que les ressources matériels commençaient à manquer. Et qu’il allait falloir économiser. Ainsi des blouses à utiliser pendant les toilettes qu’il faudrait garder en ne changeant que le tablier à usage unique et des masques à garder toute la durée de la garde. Merde. On se crevait le cul à sauver des vies et on n’avait même pas les moyens de se protéger correctement. Il annonça dans la foulée que des tests sur les soignants allaient être systématique. Aurélie, son binôme infirmier lui demanda quand. Il se fendit d’un sibyllin bientôt. Puis vint le moment des questions. Et Karim en avait une. Une seule. - Professeur, qu’en est il des fins de vie ? - Quoi Jaïsh , quoi avec les fins de vie ? Vous voulez pousser l’hypnovel vous même ? On n’est pas des fossoyeurs. - Ouais. Mais ce que l’on a dans nos lits ne sont pas des animaux. Alors autorisez vous la présence d’un parent dans les derniers instants ? Labruffe se renfrogna. On était presqu’au delà de ce que pouvait encaisser le C.H.U. en matière de réanimation. Et il y avait plus de décès que de sortants. C’était la merde. La vraie merde. Et il avait balayé les 4 binômes de la réa med en se rendant compte que, eux aussi, souffraient. Souffraient durement de cet état de fait. Alors il radoucit ses traits et passa un coup de fil. Aurélie vint caresser le dos de Karim. Signe d’empathie. De sympathie et de connivence. Tout le monde trouvait cela trop dur. De laisser partir des gens sans que leurs proches, même un, ne puisse leur tenir la main. - Bon, ok. A partir d’aujourd’hui toute fin de vie aura droit à une visite. Vous êtes contents Jaïsh ? J’espère pour vous que le virus ne va pas se propager avec vos conneries. -On est tous contents professeur. Et avec ce qu’on va leur mettre sur le dos, je crois qu’ils risqueront plus de l’attraper en allant faire leurs courses qu’en rendant un dernier hommage à leurs proches, - Si vous le dites. Allez. Au boulot. Je veux que les box 1 à 4 soient pour vous Aurélie. On a du pain sur la planche.
1
chapitres
>>
<<
Depuis 2017
ALC Prods
Intouchable
L’ANTIDOTE
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23