Karimnesavaitpastropcommentilallaits’yprendre.C’était particulièrementdifficile.C’étaitunmondequis’effondrait.Pourla personne à qui il allait devoir parler. Parce qu’il avait à lui dire. La fin du monde.Putain.Ilbaignaitdedansdepuistroissemaines.Lesdeuxcorpsétaient arrivésinaniméesdirectementdepuislemagasindeStéphane.Lafemme, Candice,avaitfaitunarrêtcinqminutesplustard.Ilsl’avaient raniméeetplacéesousassistancerespiratoire.Elleavaitlecerveau grillé.Celaallaitêtreunquestiond’heure.Iln’enfallutmêmepas uneune.Ilsnes’acharnèrentpaslorsqu’ellefitundeuxièmearrêt. C’étaitplié.L’interne,Julien,untypebienquinesecontentaitpas designerdesprescriptionsoudescertificatsdedécès,trouvaça louche.Troprapide.Tropbrutal.Surtoutàsonâge.Ildemandaune analysesanguinepostmortem.Lacéléritédulabocentralétait éblouissanteencemoment.Dixminutesplustard,leverdicttombait. Empoisonnementauparacétamol.Delààdirequec’étaitunsuicide,il n’yavaitqu’unpas.Quepersonnen’osafranchir.Elleétaitdécédée descomplicationsduCOVID.Ceseraitcequifigureraitsurl’actede décès.Pourquoi ?Etbienparcequecelaallaitdéjàêtredifficileà encaisserpourlafamille.Sielleenavait.Karimsavaitqu’elle avait au moins une personne proche. Fanfan.Luin’avaitpaseubesoind’êtreintubé.Ilétaitsous5litres d’oxygèneetdansunétatstable.Ilavaitreprisconsciencepeude tempsaprèssonadmission.Destracesélevésdeparacétamolavaient aussi été retrouvées.Un suicide collectif.La fin du monde, quoi.Ilfitglisserlaporteduboxaprèss’êtreéquipédelatêteaupied etenfranchitleseuilenespérantquelesourirequ’ils’efforçait de porter se verrait sous le masque.- Bonjour Pierre François. Comment vous sentez vous ?- Comme un gars qui s’est raté.- Je vois.-Vousvoyezquoi ?Hein ?Vousvoyezquoi ?Rien.Commetoutle monde.Vouscroyezqueçamefaitplaisirdevoirvotregueule.Je voudraisêtredanslesténèbres.Unebonnefoispourtoute.Cettevie n’estpluspourmoi.Alorsexcusezmoi,maistuvoisrien.Riendu tout.Jesuispaslàmoi.Jesuispluslàdepuislongtemps.Alorsfous moi la paix ou injecte moi ce qu’il faut.Aumoinsilparlait.Laplupartdutempsceuxquiserataientavaient honte.Tellementhonte,qu’ilsrestaientmutiques.Luiétaiten colère.C’étaitdéjàça.Defait,ilvoulaitencoreêtredesvivants. Malgré ses propos. Malgré tout.- Si seulement on avait eu une boite de paracétamol en plus…- Ça n’aurait rien changé. Il t’aurais fallu le double.FanfanlevadesyeuxsurprisversKarim.Voilàdesproposqu’ilne s’imaginaitunsoignanttenir.Ilseredressadanssonlit.Ilétait là,avecKarim.Cedernieravaitréussiàcaptersonattention.Du moinsill’espérait.Parcequemaintenant,Karimavaitdesquestions. Des questions très précises. - Et Candice ?- Elle n’a pas survécu. Je suis désolé, Pierre François.- Fanfan. Appelez moi Fanfan. Elle a souffert ?- Elle était déjà partie quand elle est arrivé ici.- Tant mieux. Tant mieux.-Tusaissielleavaitdelafamille.Quelqu’unqu’onpourrait prévenir ?-Ellen’avaitquemoi.Etjen’avaisqu’elle.Toutdeuxdes pestiférés.- Vous étiez en couple ? Je veux dire légalement.- Non. Rien à foutre de la paperasse.-OK.Jevaistelaissertereposer.Ilfautquetugardestesforces. Lesmédecinsvontpasser.Sit’asbesoindequoiquecesoit, t’appelles, ok ?- Merci. C’est quoi ton nom ?- Karim.- Merci Karim.- Je peux te poser une dernière question ?- Vas y toujours.- Qui vous a vendu le doliprane ?- Personne.- Personne ?-Oui.Personneonétaitbourréetons’estendormi.Quandons’est réveillé, on a vu les boites.- Tu ne te souviens de rien ?- Je préfère pas.- Je comprends. Je te laisse.Karimmitcinqbonnesminutespoursedéshabilleretsedésinfecter. Ilfaisaitfraisd’unseulcoup.Presquefroid.Commesil’enferétait de glace.