Noé regardait Fanfan comme on regarde un ange. C’était juste un type paumé. Et qui ne voulait plus se retrouver. Plus retrouver quoi que ce soit. Tout ce qu’il voulait c’était aller à l’U Express des Couronneries, poser sa table, poser ses feuillets et ses crayons sur la table et dessiner. Tout ce que son père n’avait jamais accepté. Un père dont il avait fait le deuil bien avant les dernières semaines. Alors qu’il ait son fric ou pas, c’était son dernier soucis. Il ne vivait que pour dessiner. Comme un robot ne vit que pour poncer. Avec application. Rigueur. Et sans jamais fatiguer. Oui. Ce n’était pas un ange. C’était un homme brisé. Un homme brisé qui venait de léguer l’une des plus grosses fortunes pictave à l’association du Relais Georges Charbonnier. Et à tous ceux qui l’ont fréquenté, qui le fréquentent, et qui le fréquenteront. C’était eux sa vrai famille. Les oubliés. Les rejetés. Et ceux qui prennent le temps de les écouter. - Et bien, Monsieur Lagarde, vous voici libre. - Plus rien à signer ? - Plus rien. - Bon ben...merci - Merci à vous. Noé serra la main qu’il lui tendait et le regarda prendre ses affaires sous le bras et quitter son bureau. Au moment de franchir le seuil, il se retourna, les yeux vers le sol. Il y avait quelque chose qui le chagrinait. Quelque chose qui restait sur son coeur. Noé fut surpris de ce que ce fut. - Vous êtes sûr que l’argent fera des petits ? - Parole de banquier. - Justement. - Alors on se voit dans un mois et on fait le point si vous voulez. - Ce n’est plus mon fric. - Alors vous devez me faire confiance. - A dans un mois alors. Et mes salutations à vos potes. - Je n’y manquerai pas. - Pourquoi vous avez fait ça, au fait ? - Fait quoi ? - Ca, tout ça, vous êtes genre des samaritains ou vous aimez vous mêler de ce qui vous regarde pas ? Vous vouliez du fric peut-être ? - Ha ! Certainement pas. On s’est juste retrouvé à croiser à différents moments votre chemin et nous y avons fait des choix. Rien de plus. - La vie, quoi. - Oui. la vie. - Et comment va votre pote, celui qui l’a coincé ? - Bien. Il n’a rien eu. Ces collègues n’ont même pas laissé le temps à votre belle mère d’aller au bout de son geste. Je vais le retrouver ce soir. - Bon ben, je vous laisse alors. Encore merci. Et il avait disparu. Quand il rentra chez lui ce soir là, après avoir bien mangé chez Karim et Aïsha, avec Stéphane et Rose, il décida de passer devant le U Express. Il était 23h30 bien tassé. Et il l’avait vu. Fanfan. Il buvait des 8°6 avec ses potes, des traces de peintures sur son visage déjà cramoisie par les bières et la vodka. Incurable. Intouchable. Libre. Et en vie.
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Intouchable
L’ANTIDOTE
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