L’ANTIDOTE
Silice et Carbone
chapitres
>>
<<
Depuis 2017
ALC Prods
Karim attendait depuis plus d’une demi heure, dans le couloir des chambres funéraires. Et le temps ne passait pas vite. Vraiment pas. En plus Aïsha ne manquerait pas de lui demander pourquoi il rentrait si tard du boulot. Une demi heure dans la vue, ça passe. Deux heures, cela mérite une explication. Et il savait ce qu’elle pensait de ses croisades pour la vérité. Du temps perdu. Du danger. Et des emmerdes. Oui. Surtout des emmerdes. Il décida de lui envoyer un texto et opta pour le demi mensonge. « Suis coincé au boulot. On bosse sur la défense de Céline. Devrait être pour dîner. Je t’aime » C’était tout ce qu’il avait trouvé. Il attendit quelques minutes que la réponse tombe mais rien n’arriva. Si ce n’est Fabrice, le thanatopracteur. Enfin. L’autopsie de Marjorie était terminée. Il allait enfin savoir si son intuition était la bonne. - Alors ? - Alors rien. La cause de la mort est l’étouffement par strangulation. - Merde. - Désolé. - Tu crois que Céline va être inquiétée ? - Y’a peu de chances. Il n’y a aucune trace d’empoisonnement ni de violence. Ce sera un non lieu. A peu près sûr. - OK. Merci Fab’. - Pas de quoi. Bon courage. Il regarda Fabrice s’éloigner, il était marrant. Sa dégaine était marrante. Celle d’un skateur avec tous ses tatouages et sa houppette de samouraï, il apportait une touche plus légère à un endroit et des actes particulièrement glauques. Un suicide, donc. La science venait de le confirmer. Merde. Pourquoi il n’arrivait pas à y croire ? L’époque n’était pas tendre avec les étudiants et avec tous ceux qui commençaient dans la vie. On n’arrêtait de les abreuver de nouvelles anxiogènes. « Vous allez payer pendant 15 ans la crise en gagnant moins et en travaillant plus longtemps ». Ça c’était pour le contexte. Et pour ce qui était des cours. Les mots distanciels et présentiels avaient remplacés ceux de colle et de sèche. Un autre monde. Quelque part il n’était pas surpris. Après le rêve de changer le monde, le monde se réveillait. Et devait faire face au cauchemar. Une crise qui paraissait sans fin. Un gouvernement qui naviguait à vue au gré des avis des médecins aussi sûrs que des girouettes et des enquêtes d’opinion aussi versatiles. Alors oui, il y avait quelque chose de pourri au Royaume de France. Et ce geste, celui de Marjorie, risquait de devenir monnaie courante. Parce qu’il était compréhensible. Intelligible. Logique. Il envoya un rapide SMS à Aïsha pour lui qu’il arrivait et se décida à sortir de la morgue, résigné. Après tout, les faits étaient les faits. C’était bien la première fois qu’il se résolvait à les accepter. Peut-être que lui aussi était touché par ce climat délétère. Oui. Peut-être que lui aussi baissait les bras. - Karim, attends ! Karim referma la porte de la morgue qui donnait sur le plateau du second sous sol de la Tour et vit Fabrice trottiner vers lui. Il se tourna et s’avança vers lui . - Tiens. - Qu’est ce que c’est ? - Les résultats toxicologiques. - Et ? - Et, et, je te laisse les lire. Mais je peux te dire qu’elle était condamnée. Empoisonnement.
14
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28