L’ANTIDOTE
Silice et Carbone
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Depuis 2017
ALC Prods
Jérôme et Noé était circonspects. En attendant des nouvelles de Bordeaux et de Rabotin ils avaient eu la liberté de regarder de plus près l’entièreté des entreprises clientes de l’agence. Pour voir si cette pratique était redondante. Et le moins qu’on puisse dire, était qu’il s’était agi d’un travail de titan. De la première impulsion consistant à taper dedans sans réfléchir, il étaient revenus sur leurs pas et s’étaient organisés. Tout le personnel de l’agence avait été mis à contribution. Même Ziad. Il s’était prêté au jeu sans grande conviction. Il ne croyait pas à cette histoire de licenciement abusif. Le gars avait dégraissé pour augmenter ses bénéfices. Une démarche on ne peut plus logique puisque le but du jeu d’un entrepreneur est de gagner de l’argent. Ce à quoi Noé lui avait rétorqué que cela devait se faire en respectant la loi. Et les règles. Ziad avait soupiré et avait finalement accepté de mauvaise grâce de passer au crible toutes les entreprises industrielles. Autant dire que Noé le ménageait. Les industries, sur le bassin d’emploi des Couronneries se comptaient sur les doigts d’une main. Jérôme avait hérité du tertiaire. Le plus gros morceau. Et Jocelyne regardait de près ceux de l’agro alimentaire. Autant Ziad et Jocelyne avaient fini de vérifier les mouvements de personnel des entreprises de ces deux secteurs alors que midi sonnait, Jérôme et Noé finissaient juste de se répartir la cinquantaine d’entreprises qu’ils allaient devoir examiner. Et maintenant que le soleil se couchait, force était de constater que le cas Batibat n’était pas isolé. 43 entreprises avaient procédé à des licenciements. Les trois quarts étaient lié à une baisse d’activité. Des licenciements économiques. Merci le virus. Pour le reste… - On a donc 9 entreprises qui ont licencié sans motif traditionnel. - Apparemment. - Et qu’est ce qui les relient ? - Aucune idée, Noé. - Merde. C’est sous nos yeux pourtant. - C’est bien caché alors. - Oui. Sacrément bien caché. Noé se renversa dans son fauteuil et passa en revue, dans sa tête, les entreprises identifiées. Un cabinet d’expert comptable, Batibat, L’EURL Fruits frais, le cabinet d’ingénierie SoNext, les agences de communication Oui ! et Com’on, le cabinet infirmier des Héliotropes et de la place de Provence et le TAP. - Pourquoi on a mis le TAP ? Ca paraît logique qu’ils dégraissent compte tenu de leur activité. - Ce n’est pas le TAP notre client, c'est le collectif d’artistes Théâtre à Poitiers. Rien à voir. - N’empêche, les artistes, c’est pas la bonne période pour eux, non ? - Leurs chiffre d’affaires à grimpé de 150 % depuis la première vague. Ils interviennent partout. Maisons de retraites, hôpitaux, écoles. Et ils viennent de licencier la moitié de leurs intermittents. - Merde. Noé se leva et prit son ballon pour le faire tourner entre ses mains. Planté devant la fenêtre, il regardait le jour tomber. De ce côté, on ne voyait pas le soleil chuter. Juste l’ombre gagner du terrain presque à œil nu. La nuit s’annonçait froide. Pas un nuage pour couvrir le ciel dont le bleu azur laissait la place au pourpre puis au noir. - Rentrez chez vous Jérôme. On reprend demain. - Comme vous voulez. A demain patron. Noé salua son employé et resta à regarder la nuit s’installer en s’efforçant de ne penser à rien. Il sentit la tension de la journée s’évanouir. Son cerveau semblait aussi acquérir la plénitude de ses moyens. Une entreprise de bâtiment. Des agences de com’. Des infirmières libérales. Des artistes. Des ingénieurs. Bordel c’était à n’y rien comprendre.
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