- Excusez moi monsieur, mais vous avez oublié dix euros sur ma monnaie - Oh. Tenez. Excusez moi. Bonne journée. - Merci. Bonne soirée à vous aussi. Le gamin, vingt ans à peine, le regarda presque inquiet avant de s'en retourner et de faire teinter la sonnerie de la porte d'entrée. C'était un truc qu'il allait devoir changer. Ça pouvait être particulièrement pénible lorsqu'il y avait un peu de monde à entrer et sortir. C'était aussi désagréable qu'une fraise de dentiste à la longue. Comme le rappel du travail qui s'annonçait. Ou de l'argent qui sortait. Bref, ça agaçait Stéphane en ces instants. Surtout qu'elle sonna à nouveau. Le même gamin revenait. Qu'est qu'il avait oublié encore ? Il regarda son panier et ne comprit que lorsqu'il lui tendit le billet de vingt euros donné à la place de sa moitié. « Je crois que je ne serais jamais un voleur. Désolé Monsieur. » Stéphane le remercia, lui offrit deux canettes de red bull, ses yeux pétillèrent, il sortit et Stéphane put enfin se tracasser en paix. Se tracasser au sujet de Biodiffusion. Quand il avait demandé à Yvan de lui en dire plus, le boulanger s'était fermé comme une huître et était redevenu le type bourru qu'il craignait avant de faire affaire avec lui. Stéphane n'insista pas et lui donna rendez vous à demain en le remerciant. En sortant, sa femme le rassura . - Faut pas vous en faire. Il vous aime bien. Depuis le début. C'est juste qu'il voudrait pas qu'ils s'en prennent à vous. - Qui ça ? Des marchands de légumes. J'ai connu pire. - Que vous croyez. - Comment ça ? Qu'est ce que vous voulez dire ? - Irène, viens donc me filer un coup de main au lieu de bavasser ! - Faites attention à vous M. Stéphane. Tenez il sont encore tout chaud. A demain. Il avait avalé les deux pains au chocolat pur beurre comme un don du Créateur. Il était levé depuis trois heures avait brassé une centaine de baguettes, bravé le froid et surtout n'avait pas pris de petit déjeuner. C'était une bénédiction, ces pains. Pourtant dans sa tête, il ne comprenait pas la réaction de Yvan. Que les gars soient des requins c'était une évidence. Qu'ils faillent s'en méfier, c'était la base. Mais il n'avait qu'un mot pour qualifier le silence d'Yvan et Irène. Omerta. Et qui dit loi du silence, dit pratique amorale. Voire immorale. Et irrémédiablement violente. Assis devant son ordinateur, tentant de se réchauffer, il se connecta à nouveau à leur site. Cette fois ci il cherchait autre chose. Un client en particulier. Biocoop . Biocoop, c'était un couple de baba cool qui étaient installés depuis avant le nouveau Saint Éloi. Autant dire qu'en matière de Bio, c'était eux la référence incontestable dans le périmètre. Et ils ne bossaient pas avec Biodiffusion. Pourquoi ? Il devait en avoir le cœur net. La patronne décrocha au bout de la troisième sonnerie. - Pois tout vert, bonjour ! - Oui, euh, bonjour, euh voilà je suis Gus Grodet, je travaille pour l'institut de sondage Elabe et j'aurai des questions à vous poser sur l'évolution de votre entreprise. C'est dans le cadre de l'essor du bio depuis 2000 sur la région Nouvelle Aquitaine. Avez vous quelques instants à m'accorder ? - Oui. Bien sûr je vous écoute. - D'abord , êtes vous commerçant ou commerçant producteur ? - Simplement commerçant. - OK. Et vos fournisseurs sont tous certifiées agriculture biologique - Oui. Tous. Depuis le début. - OK. Comment diriez vous que votre clientèle se compose ? - Oh. Elle a beaucoup évolué. Nous sommes passé d'une simple boutique à une supérette. Ça vous donne une idée. - Oui. Je vois. Travaillez vous avec Biodiffusion également ? - Ah certainement pas. - Bien. Pour quelles raisons ? - Mais enfin, parce que c'est comme le canada dry. Ça n'a que le nom de Bio. Dites donc, vous ne travailleriez pas pour eux des fois ? Francis ! Y 'a encore ces emmerdeurs de Biodiffusion Nom de Dieu, passe les moi ! - Merci pour votre coopération. Bonne journée. Voila comment s'était soldé sa matinée. Par une engueulade et une certitude. Ces types avaient peut-être le plus beau palmarès de clients de toute la ville, son entourage ne partageait pas l'enthousiasme des enseignes ayant pignon sur rue à Poitiers. Pourtant... Lui ne prétendait pas faire de Bio. Et il avait des journées suffisamment chargées. Peut-être que comme ils le disaient, il pourrait commencer petit. Il fit des calculs comme la sonnette retentissait encore et, enfin il se sentit moins tracassé. Parce qu'il venait de comprendre. - Alors M. Peyroux ? Prêt à nous rejoindre ? Rien qu'à la voix, il reconnut Rougier. Pour la deuxième fois dans la même journée. - Oui. J'ai bien réfléchi. Et j'avais une question. Vos cartons ils viennent d'Espagne ou du Portugal ? - Pardon ? - Avec les marges que vous me proposez je vois que ça non ? - Je vois. Bon, tout ce que je peux vous dire c'est que nos labels sont aussi reconnus que les autres. Et surtout, M. Peyroux, écoutez bien c'est important, surtout, ne pas faire affaire avec nous c'est mettre en danger votre commerce. - Ah ouais ? Ben moi je ne vous le répéterais pas non plus, M. Ducon, venir menacer mes affaires c'est risquer de mettre en danger vos dents. Vous comprenez ?
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