Karim suait comme un baudet. C'était le premier de ses trois jours de repos mais il regrettait presque de ne pas être de service. Le matin, il s'était levé à 8 heures. Sans gueule de bois. La veille, il n'avait pas bu. Il avait repensé à son échange de fin de service avec Aïsha. Un peu . Et puis il s'était réveillé à 8 heures le lendemain sans avoir bu une goutte. Certes toujours habillé sous sa couette, mais sobre. Il tenta de repenser à ce qu'il avait dit. Sur ses actes qui définissaient ce qu'il était. Et que donc, il devait bien agir pour être bien. Puis il avait été pisser. il avait du faire face à la dure réalité de ses paroles. Comme de ses actes. Un trou faisait entrer le froid depuis le velux vétuste de sa salle de bains. Il devait agir. C'était urgent. Il poussa deux bouteilles en sortant de ses chiottes et farfouilla dans son manteau pour y extraire son portable. Là, il se dit merde. Il n'avait personne qui pourrait l'aider rapidement à finir ou réparer ce qu'il avait tenté un soir d'ivresse. Il décida de se faire couler un café. Au passage, il poussa le blender électrique qu'il avait acheté au colporteur pour qu'il lui foute la paix après qu'il eut tenté d'engager une conversation avec lui. Cela lui fit penser qu'il devait s'acheter des fruits. Le café bu, il ne vit qu'une alternative. Le Syndic. Il se dit merde à nouveau. Parce qu'il ne savait pas il avait foutu tous les papiers relatifs à l'appartement. Il pria pour qu'il n'ait jamais eu l'idée d'aller cuver dans sa chambre d'ami. Il dut soulever la porte. C'était bon signe. Elle forçait comme au premier jour. il avait trouvé du premier coup. La femme qui le reçut au téléphone lui donna toute une liste d'artisans partenaires. Il lui en demanda un. Elle lui dit qu'elle n'avait pas le droit mais que le premier de la liste était souvent le plus sollicité. Puis elle lui souhaita une bonne journée et raccrocha. Il regarda sur ses mails et appela le premier nom de la liste. Le gars lui dit qu'il viendrait voir vers 15 heures, il n'en avait plus pour longtemps sur le chantier il était. Quand Karim lui avait dit qu'il voulait juste un devis, l'artisan lui avait dit qu'il préférait toujours se rendre compte de visu et qu'il ne comptait pas ce temps dans ces factures. Karim le remercia, l'autre avait sans doute déjà raccroché. Et il se dit une troisième fois merde. Cette fois à haute voix. - MERDE ! Il venait de voir l'exact état de son appartement. Coincé contre l'évier de la cuisine qui s'adossait au mur d'entrée, il voyait tout. Toute l'étendue des dégâts. A sa montre, il était 11h30. Bordel, comment le temps avait pu passé aussi vite ? Il prit une douche à la vitesse de la lumière et sorti un grand sac poubelle puis ramassa tout ce qui traînait dans sa cuisine, son salon, sa salle de bains, ses chiottes et ferma la porte de sa chambre et la chambre d'amis. Ç’aurait été trop pour une première. Déjà, il suait comme un baudet. Et restait encore les traces. Il farfouilla sous son évier mais ne trouva que de quoi laver le sol. Pas de serpillière. - PUTAIN DE BORDEL DE MERDE D'ENCULE DE POIVROT ! Il prit une clope, regarda l'heure -13h30- et se dit qu'il méritait une pause. Il descendit dans son jardin. L'herbe commençait à être épaisse. Sans parler de sa hauteur. Sans trop savoir pourquoi, il pensa aux serpents. Ça le fit flipper. Il tourna la tête jusqu'au petit portail. L’herbe y était tout aussi haute et foisonnante. Bon sang. Trois jours ne seraient pas de trop. En passant il trouva sa serpillière. Durcie par les nuits passées dehors. Il écrasa sa clope, déchiqueta le carton humide qui lui servait de table et finit de remplir le sac poubelle XXL avec lui et les canettes qui l'entouraient. il passa la serpillière puis sortit avec ce que son frigo avait gardé. Un triangle sodebo et une canette de coca. Il pensa bien à la bouteille de vodka au congélateur. Mais cela s'arrêta là. A un moment, penser ou parler , même de ce qu'il faut, ne remplace pas la force des actes. Il prit sa canette, une chaise de la grande pièce et mangea en attendant l'artisan. Il s'était pointé à 18h30. C'était le froid qui avait d'abord réveillé Karim. La tête renversée dans sa chaise, il avait dormi tout l'après midi. Le bruit du portail lui avait fait prendre conscience qu'il n'était pas seul. Avait il sonné ? L'avait il appelé ? Personne ne le saurait maintenant. Karim se sentait particulièrement raide en entraînant le pro derrière lui qui menait toujours une conversation sur un autre chantier en le suivant. Quand ils arrivèrent sur le pas de sa salle de bain/WC. Il fut réellement avec lui. - Oh ben couillon ! Quoi ? Non. Ecoute je te rappelle. Je suis pris ce soir. On voit ça demain à l'atelier. 8H. Ok. Non. Allez à demain. - C'est moche, hein ? - Qui vous a fait ça ? - Ben c'est moi. Mais j'avoue que je n'y connais rien alors je me suis dit, avant d'aller plus loin, il valait mieux que... - Vous avez bien fait. Vous avez très bien fait. Oh Putain nom de Dieu. - Qu'est qu'il y a ? - Vous avez une copine ? - Hein ? - Parce que si c'est le cas, elle doit avoir une double vie. Vous avez eu de la chance que tout ne vous tombe pas dessus. Ce n'est pas un mur porteur. - Un quoi ? - Un truc qui tient le tout, vous comprenez ? En lui disant cette dernière phrase, Karim comprit qu'il avait fait une connerie. Mais que cette connerie aurait pu être une catastrophe. - Bon en tout cas, je vois ce que vous voulez faire. - Euh, en partie. Je veux mettre un autre mur quand même. - Ah ok, vous voulez diminuer les chiottes et agrandir la salle de bains. Faites voir que je recule... Ouais, en effet, c'est pas bête. Bon écoutez c'est dans mes cordes. Je vous envoie un devis demain dans la journée. Par contre je vais partir d'un mur propre. - C'est-à-dire ? - C'est-à-dire que ce que vous avez commencé je vous laisse le soin de le finir. Vous inquiétez pas vous pouvez y aller. Jusqu'au ras en haut et en bas. Allez à demain. Le type lui avait serré la main et était reparti par il était venu en parlant déjà au téléphone. Depuis Karim suait comme un baudet. Il était 19h45 et le mur était enfin complètement à terre. Restait plus qu'à bien raser en haut et en bas. Voyant l'heure, il se dit qu'il était plus sage de ne pas déranger davantage ses voisins. Il ramassa le tas de gravats et décida qu'il avait bien mérité un coup à boire. Devant son frigo, il y avait la dernière canette de coca. Et puis une pack de bière aussi. Qu'il n'avait pas vu derrière le triangle qu'il avait mangé. Bon sang, il la méritait quoi. Pour se donner du courage il regarda le tas de gravats. Et l'état plus que passable de son sol. La première gorgée de coca lui parut tel l'eau dans le désert.
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