Noés'étiradetoutsonlongetpoussaunsoupirdesoulagement.Ses lombairesvenaientdeprendreunbold'airetluiauraitbienbesoin d'unboldecafé.Ilétaitpresquemidietenàpeine36heures,il avaitnumérisél'équivalentde6annéesdeprêtsetdeplacements.Il enavaitlesyeuxrouges.Lesdoigtstremblantetunecrampe persistanteauniveaudel'épauledroite.Ilavaitbesoind'autre chosequed'étirement.Ilavaitbesoindeprendresademi-journéeet d'allerclaquerdeuxoutroisdunksauJardindesPlantes.Voilace qu'illuifallait.Unbold'air.Ceseraitbienplusefficacequ'un boldecafé.Seulementvoilà.Iln'étaitplusresponsablegrands comptes.Nimêmedirecteurd'agenceenZUP.Ilétaitresponsabledela numérisation. Un sous fifre.Un gars qui devait faire ce qu'on lui disait.Et rien d'autre.Ilnepointaitpasmaispresque.Oh,pasquePotiersoitsursondos, bienaucontraire.Depuisleurpremièreentrevue,iln'avaitqu'aperçu satêteaumomentoùilétaitvenulesaluer,àladébauchehiersoir. Un simple bonsoir craintif. C'étaitdéjàça.Ilselevaetallapoursefairecouleruncafé.La machinecrachotaetneremplitqu'unemoitiédetasse.Ilvidacelle-ci,serradesdents,frappaviolemmentlesupportàdosettecontrele lavaboetespéraquececoup-ciilauraitdroitàunetassecomplète. Avec le goût de café. Pas d'eau du robinet.Ileutbienlatassepleine.Pourlegoût...Ilplongeatroissucres danssatasseettouillaenregardantlestoitsdelarueBourbon.Le soleildardaitsesrayonssurlestuilesetlesardoisesencore imbibéesdelapluienocturne.C'étaitbeau.Etapaisant.Ilbaissale regardetvitque6annéesnumériséesserésumaientàdeuxcartons.Il lui restait encore vingt années. Soit 7 cartons.Bordel.Ilallaitcraqueravant.Sionnelestimulaitpascérébralement,ne seraitcequ'unpeu,ilallaitrépandrelescartonssurlestoitsde laville,c'étaitcouru.Etcertainementvoulu.Qu'ilcraquedégageet foutelapaixàcettevénérableinstitution.Celaluifitreprendre conscienceducheminquiluirestaitàparcourir.Pourdevenir plus...serein.Un long chemin de toute évidence.Enattendant,ilnepouvaitplusfixerleformulairevertsurfond noirdulogicield'archives.Illuifallaitautrechose.Illui fallaitvraimentautrechose.Ilseditalorsqu'iln'avaitrienà perdreetdescenditdesachambredebonne.Ildébouchadansle couloirdel'arrièreboutiquedel'agence.LebureaudePotierétait pileenface.Ilfrappaavecconviction.Onluiréponditparun « entrez » enjoué.- Bonjour M. le directeur.-ToutvabienM.Ouedraougo ?Vousallezl'airénervé.Asseyezvous. Dites moi ce qui vous amène.- Tout d'abord, je voulais vous présenter mes excuses pour hier.-Pouf,pouf.J'avaisdéjàoublié.Cequ'onvousfaitfaire,c'estpas du gâteau, alors...- Justement..- Oui ?-Jesaisqueçanefaitmêmepasdeuxjoursquejesuisdessus,mais j'auraisbesoindefaireunpeuautrechose.Fixercetécrannoiret vert commence à me faire sauter la tête.NoévitPotierreculerdanssachaise.Illevitpresques'affaisser. Sonvisages'agranditaussi.Pluslongetplusblanc.Ilfixait toujoursNoémaissesmainsavaientdisparudesonsousmain.Elles étaientsursescuisses.EtNoécomprenaitquel'expression« mefaire sauterlatête »avaitdûfairetinterunelumièrerougedansla cervelledesonpatron.Parcequ'ellevoulaitdireinstabilité émotionnelle.Etagressivitépotentielle.Surtoutaprèsluiavoirdit cequ'illuiavaitditlaveille.Qu'ilétaituntox.Untoxen sevrage.AlorsquandlescouleursrevinrentauxjouesdePotieretque ses mains réapparurent, ses paroles, firent plus que le surprendre. - C'est que je ne peux pas Noé.- Hein ?-Onm'aditdevousménagerM.Ouedraougo.Ladirectionaétéclaire. Je suis désolé.- Mais puisque je vous le demande.- Je suis vraiment désolé.Noén'allapasplusavant.Etilpritsurluidenepasclaquerla porteavantderemontersefairecoulerunautrecafé.Assisdevant l'écran,ilnevoyaitrien.Sicen'estlaréalitédesasituation.Il butunegorgéedecaféetregardaparletoit.Puisànouveaules cartons.Puislestoits.Etunevoixdanssatêteluidisaittout doucement : « Çavousferatoujoursmal,M.Ouedraougo.Toujours. Voussavezdestuiles,ilentombetoujours.Etjamaisaubonmoment. Cequ'ilfautc'estsesouvenir,quesansellesvousneseriezpasqui vousêtes.Etvousêtesquelqu'undebienM.Ouedraougo.Nelaissez paslemondevousenleverça ».Alaragesuccédaalorsledésespoir. Sesyeuxs'embuèrent.Ilrenifla,soufflaungrandcoupetseremémora levisagerepletdelasoignantequiluiavaitditsavérité.Ilprit alorsuncartonentournantledosàl'écranetfittournerlespages commeontournelespagesd'unlivrequel'onvientd'acheteretque l'ons'apprêteàdévorer.L'odeurdupapierétaitagréable.Lesmots étaientsimples.Ilserenditcomptequ'ilpouvaitgagnerdutemps.La plupartdesprêtsétaientpourlesmêmesclients.Aquelques exceptionsprès.Ens'organisantdifféremment,celapourraitprendre deuxfoismoinsdetemps.Etpeut-êtreluipermettredesesauverde cettechambreplusvite.Ilcommençaalorsàfaireuntravailàla chaîne. Tous les noms.Toutes les adresses.Tous les montants.Des copier coller fait plus vite que l'éclair.Et quelque chose qui prenait forme sous ses yeux.Quelque chose qui ne sentait pas bon.Pas bon du tout.