Karim regardait son blender mixer mangue, coco et banane à vitesse 2. Petit à petit les fruits se désagrégeaient pour se transformer en une pâte de plus en plus liquide. Bientôt il pourrait boire un authentique produit des tropiques. Cela lui fit plaisir. A côté de lui, Hercule lui tapa sur l'épaule. • Oui ? • Fini aujourd'hui. Demain 8 heures ? • Euh, oui. Karim stoppa son blender maintenant que son jus était prêt et farfouilla dans le tiroir de la commode juste en dessous pour en sortir le double de ses clés. • Tenez. Je travaille demain. Bien. Pas de problème. Je arriverais tôt et j'attenderez vous pour partir. • Merci. • Kristof. • Merci Kristof. • Bonne nuit. • Oui. Bonne soirée à vous aussi. Karim regarda Hercule fermer la porte délicatement et reporta le regard sur le travail qu'il avait accompli. Impressionnant. Tout était cassé et déblayé. Les tuyauteries avaient sauté également. Ce qui voulait dire que c'en était fini du confort moderne. Il raccrocha son téléphone la Nouvelle Presse du Centre le maintenait en attente et se décida à braver le vent pour aller boire son cocktail dans le vent, contre la Boivre. Il descendit par son propre escalier et vit qu'il devrait rentrer son linge avant qu'il ne sente le chien. Toute ces choses. Toutes ces choses qu'il avait oublié. Toutes ces choses qu'il avait oublié dans un verre de vodka. Il en eut honte. L'espace d'un instant. L'odeur. La sueur. Les vêtements sales. La barbe hirsute. Cela faisait cinq jours qu'il n'avait pas bu. Ni acheté d'alcool. Est ce qu'il était mieux ? Trop tôt pour le dire. Il prit une bourrasque de vent en buvant une gorgée de son jus de fruit. C'était peut-être la meilleure chose qu'il ait faite depuis longtemps. Acheter un mixer foireux à un inconnu pour un prix prohibitif. A croire qu'il s'y accrochait comme on s'accroche à un nuage dans le vent. Il était conscient qu'à un moment ou à un autre, les jus de fruits perdraient de leur capacité compensatoire. Alors il faudrait trouver la force ailleurs. On est ce qu'on fait. Oui. Il était ce qu'il faisait. Et il ne buvait plus. Il faisait faire des travaux et il aménageait son foyer. Voila ce qu'il était. Un homme en travaux. Ce n'était guère plus reluisant. Et l'absence anxiolytique de l'alcool rendait la chose encore plus crue. Il finit son verre de jus de fruit. Putain. C'était bon. En retournant vers chez lui, son téléphone sonna. Bonjour, Eric Verdun, La Nouvelle Presse du Centre, vous vouliez me parler de l'été dernier. Ah oui. Je vous avais presque oublié. Qu'est ce que vous voulez savoir ? • Ben c'est à vous de me le dire. C'est vous qui avez appelé. • Moi qui vous ai appelé ? • Ben oui. • Vous devez faire erreur. • Ah. je vois. Bon vous avez le numéro. • Attendez. Qu'est que vous évoque la table ronde ? Une légende. Une légende urbaine. Fondée sur l'histoire de notre vieille, très vieille ville. Rien de plus intéressant que des héritages et des querelles dignes de Shakespeare. Pourquoi ? • Pour rien. Je vous rappelle. • Attend... Karim tourna son verre la tête en bas et fit tomber les dernière goutte sur sa langue. En même temps, il revoyait le type qui lui avait vendu le blender. Et les bouteilles de bière partout autour du PC. Une odeur de tabac aussi. Si tenace qu'elle sentait le pastis. Et un entrepôt où, il l'avait vu en sortant, figurait le nom d’au moins sept enseignes. Il repensa à ses moments d'ivresse. Ceux tout devenait concret. Viable. Visible. Plausible. Crédible. Comme une table ronde siégerait cinq patriarches pour se partager la fortune d'une ville d'à peine 100 000 habitants. Alors il renversa son verre. Et se dit qu'il était lucide. Sur sa propre connerie comme sur celle des autres.
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