La journée était calme. Stéphane avait même eu le temps de prendre une douche et de se laver les ongles. Il y avait bien eu les baguettes de 8 heures mais depuis, le quartier et ses occupants semblaient n'avoir besoin de rien. Alors il tournait et retournait sur son fauteuil, les yeux rivés sur son écran d'ordinateur. Les derniers résultats NBA . Rien de transcendant. Ses équipes perdaient. Un saison sans play offs pour ses favoris. A croire qu'il puait la défaite. Ou quelque chose qui s'en rapprochait. Le facteur passa comme il allait consulter les statistiques de Brooklyn, histoire de passer le temps. C'était pour lui l'équipe en devenir la plus prometteuse, malgré le pire bilan de la ligue. Et puis il aimait le nom. Brooklyn. C'était familier et exotique à la fois. Un jour il irait les voir jouer. Avec Noé et Karim. - Bonjour M. Peyroux. Un recommandé pour vous. - De qui ? - Je vous laisse voir. Si Stéphane était aussi suspicieux c'est qu'il s'était fait avoir par deux fois pour des abonnements souscrits à réception. Une arnaque comme une autre. Il prit donc la lettre et avant de signer quoi que ce soit regarda le nom de l'expéditeur. BioDiffusion. Il prit l'appareil du facteur, signa et lui souhaita bonne journée avant de jeter la lettre contre son clavier. Il n'avait pas envie de l'ouvrir. Sans doute une énième proposition forcée. Ou une demande de participation aux frais de démarchage. Parce qu'il s'était renseigné sur cette entreprise entre l'engueulade de Favreau et maintenant. Biodiffusion appartenait à PoitouDiffusion. Une entreprise de négoce vieille d'un siècle et demi. Quand il avait rappelé Pois Tout Vert, il avait essuyé la même sérénade que celle d'Yvan. Une mise en garde. Et un silence bien trop pesant pour lui. Pourquoi toujours fermer sa gueule face à des gens comme ça ? Il en avait presque oublié Favreau. A vrai dire, il l'avait oublié. Il avait appelé La Nouvelle Presse du Centre. Le quotidien régional. Et, passé l'accueil, sa première phrase avait fait mouche. - Salut, ça vous dirait de dire tout haut ce que tout le monde sait tout bas ? Il lui avait expliqué, au journaliste, sa petite histoire. Les visites prometteuses. La vérité qui dérange. Et surtout la réaction de ses autres coreligionnaires. Le type n'avait rien dit. Pas que Stéphane ne s'attende à se qu'il réagisse comme pour le scoop du siècle. Mais au moins qu'il montre de l'intérêt. Qu'il fasse son boulot. Qu'il lui pose des questions, quoi. Ses seules paroles furent sibyllines. - J'ai votre numéro. Je dois croiser des infos. Je vous rappelle, Monsieur ? - Je tiens le bouclard de Saint Éloi. Mon nom est en gros sur le Net. - OK. Je vous rappelle dès que je peux. Sur le coup, il avait pensé qu'il se foutait de sa gueule. Puis il avait pensé à la manière préoccupée dont il lui avait répondu. A son silence lorsqu'il lui avait raconté ses démêlés avec BioDiffusion. Et sa manière pressée de raccrocher. Comme s'il avait quelque chose à vérifier. Comme si il était déjà au courant. Stéphane se perdit en conjecture puis quelques clients vinrent acheter de quoi faire une soupe et il oublia jusqu'à la lettre de BioDiffusion. Il ne l'ouvrit que le rideau tiré. Et ce qu'il lut finit de brouiller ses pensées.

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