Stéphane avait bien ri, la surprise passée. Il avait ri pour ne pas pleurer. Le courrier était à l'en tête de Biodiffusion et était signée par le patron en personne. Stéphane avait mis la lettre à la lumière et l'encre montrait qu'il l'avait signée de sa main. Pas une de ces lettres toutes faites et pré signées. Le type avait pris le temps de signer. Sans doute une parmi tant d'autre. Cela avait flatté Stéphane. Et lui avait prouvé à quel point ces gars pouvaient être tenaces. Et menteurs. La bafouille commençait par le remercier de sa missive. Elle enchaînait en disant qu'ils comprenaient sa position. Mais le meilleur était la fin. Il lui expliquait les normes. La valeur des normes. Et notamment de celles auxquelles étaient soumises leurs produits bio. Des normes européennes pour la plupart. Dont certaines étaient plus contraignantes que la norme française. C'est là où il avait ri. Parce qu'en plus de lui mentir, il avait dressé un bilan carbone de leurs importations. Stéphane avait cherché la formule sur le site du ministère de l'environnement, avait vu le résultat et avait finalement jeté la lettre. Vraiment des gens sans retenue ni honte. Qui ne se rendaient même plus compte de leur propre connerie. Alors certes, il ne leur en avait jamais parlé, mais il était sûr qu'un pesticide ou un insecticide était utilisé de temps en temps par les jardins de Bonnes. Mais il avait mangé leurs produits. Et ceux, bio, de la grande distribution. Et depuis, il avait encore les mains pleines de terre lorsque son premier client arrivait. Raison garder. Il faut savoir raison garder. • Bon tu te décides ? Karim tira Stéphane de ses pensées en frappant le ballon qu'il tenait dans ses mains. Il était encore sur le bord du terrain et la vue d'une camionnette à l'effigie de Biodiffusion l'avait fait partir. • Alors ? Ça vient ? • Ouais, ouais. Dis donc t'es vénère aujourd'hui  • Besoin d'évacuer. • Quoi ? Évacuer quoi ? • La connerie du monde. Ben on a pas fini de jouer alors. Allez envoie, tu vas commencer par défendre, jeune rebelle. Karim ne se fit pas prier, il lança la balle à Stéphane dès qu'il eut fini de lasser ses chaussures et remonta son short. Ça s'annonçait saignant. Au passage, Stéphane vit que son ami n'avait pas les yeux vitreux. Ni la sueur abondante. Il avait changer de régime. Quand Noé lui avait parlé de l'état de son appartement comme de son pote, il avait failli débarquer et le secouer. La vie l'en avait empêché. Il comprit qu'il avait réussir de lui-même. A moins que Noé ne l'ait aidé d'une quelconque manière. En tout cas, il était bien avec lui et bas sur ses appuis . Comme il l'avait toujours été. Le meilleur défenseur d'eux trois. Une machine à vous faire péter les plombs. Toujours à la limite. Et sur un playground celle ci était très variable. Stéphane réussit néanmoins à lui planter son step back. Il ne récupéra la balle que quelques instants et vit son pote partir à droite comme il voulait le crosser. • Putain, t'es en forme • T'as l'air lent toi • Je suis debout depuis cinq heures • Moi aussi. • J'ai arraché des légumes. • J'ai lavé des gens plus sales que le Clain. • J'ai brassé des kilos de bouffe J'ai du transférer deux personnes obèses. 173 et 145 kilos. Et elles sentaient pas bon. Pas bon du tout • Y'a un type qui m'a cherché des poux. J'ai du porter un masque parce qu'un type avait la tuberculose. C'était un toxicomane en pleine crise de manque. • On a essayé et on essaie de m'arnaquer. J'ai gagné quarante cinq euros et compris que la connerie des autres n'avait pas de limite • Match nul alors. Il n'y a pas de match nul mon pote. Juste des défaites qui sont comme des victoires.
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