Cela faisait une heure que Stéphane bidouillait l'ordinateur portable de Big O. Même après sa mort, tout ce qui touchait à sa vie s'avérait compliqué. Le portable avait de toute évidence tomber d'un camion et tournait sous le logiciel libre Linux. Autant dire que Stéphane était en terre inconnue. Il n'avait même pas pris le temps de manger ou de boire. A peine avait il traversé toutes les Couronneries et bousculé la porte qu'il n'avait qu'une idée en tête. Trouver qui était le type qu'on l'accusait d'avoir immolé. Pourquoi ? Il ne le savait pas vraiment. Peut-être qu'il était comme les flics . Il cherchait à comprendre. Sauf que contrairement à eux, il n'avait pas le lien qui les reliait et encore moins le profil de ce fameux haut fonctionnaire. De toute évidence un type chargé du développement économique des terrains défavorisés des 27 pays de l'Union. Ou un truc dans ce genre. C'était ce flou qu'il voulait vite rendre limpide. Après il pourrait agir. Et sortir. Il repoussa l'ordinateur violemment et jura en le rattrapant avant qu'il ne tombe de la table basse. Un « bling » troubla le silence et il regarda l'écran. Il pouvait se connecter à l'internet commun. Comme quoi, son beau père avait raison. Pour faire rentrer une idée dans la tête de quelqu'un il faut frapper. Il oublia le nombre de trucs qu'il avait voulu faire entrer dans sa pauvre caboche et lança le navigateur web. D'abord sur le Nouvelle République. Un article plus détaillé faisait la une. Il y était cité comme fugitif bien sûr mais il trouva surtout ce qu'il cherchait. Un nom. Gerarhdt Schlösser. 48 ans. Hautes Études commerciales. Installé à Francfort. Responsable du développement opérationnel des TPE PME européenne. C'était donc un ponte. Il retourna sur l'article de la Nouvelle République mais ne trouva pas ce qu'il cherchait. Qu'est ce qu'un type de ce calibre était venu mourir brûlé vif sur la place d'un village martyr ? Qu'est ce qui l'avait conduit à cela ? Avant de se connecter à l'usine à gaz du site web de l'Union Européenne, il lança une recherche sur un logiciel web équivalent à Google pour voir ce que ce nom recelait. Aucun ne faisait état d'une éventuelle disparition, encore moins d'un enlèvement. Il alla gratter du côté d'Oradour sur Glane et aucune manifestation commémorative n'y était prévue. Et qu'est qu'il y aurait fait d'ailleurs ? Non. Cela s'était joué ici. A Poitiers. Le reste n'était que mise en scène et nuage de fumée. Une manière de rendre le crime impardonnable. Et de faire preuve de célérité dans l'appréhension du coupable. Quitte à ce que ce ne soit pas le bon. Quitte à ce que ce soit lui. Un innocent. Il ravala sa colère et saisit le nom de Schlösser accompagné de Poitiers. Il n'eut aucune occurrence. Zéro. Nada. Il s'enfonça dans le fauteuil de Big O. Il sentait encore la beuh. Elle devait couvrir l'odeur de moisi. Des tâches brunes suspectes étaient apparues depuis sa dernière venue dans la pièce. Bordel. Quel lien avait il avec ce type ? Ce n'était même le fonctionnaire qu'il avait contacté pour son bouclard... Il céda à son envie et ouvrit le sachet de beuh à côté de la bouteille de Baccardi. Vestige de leur dernière entrevue en ces lieux. Elle était encore bonne. Nettement moins puissante mais fumable. Il farfouilla dans le tiroir de la table et se roula un joint qu'il alluma à la plaque électrique. En passant, il vit que la chambre n'avait plus de lit. Mais assez d'ordinateurs comme celui qu'il utilisait pour pirater la NSA . D'où la porte à peine verrouillée. D'où l'eau et l'électricité. D'où la possibilité d'être dérangé à tout moment. Il n'était pas en sécurité. Non. Il était en transit. Il était aussi une monnaie d'échange potentielle. Il jura à nouveau et balança le joint qu'il s'était roulé pour se concentrer sur l'écran et Gerarhdt Schlösser.
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