Quand Karim arriva en haut de l'avenue de l'avenue de la gare, il était à pied. Le vélo, il l'avait laissé quelque part après le viaduc et ses poumons semblaient sur le point de cracher du feu. L'alcool sortait à pleine peau, trempant son sweater comme jamais. Et il avait envie de vomir. Au moment il allait tourner pour rejoindre le FIPC, il entendit des « Police ! Police ! » et des bruits de pas de course. Il posa les mains sur les genoux. C'était trop tard. Il en profita pour se délester de son sac. Il fit un bruit mat en heurtant le trottoir. Ah oui. Le marteau. Il allait rendre. Rendre toutes ses tripes. D'une seconde à l'autre. C'est à ce moment qu'il entendit les bruits de pas se rapprocher. Il n'eut pas le temps de sortir le marteau. A peine celui de prendre l'angle droit et de changer de rue . Puis de sentir tout ce qu'il avait à rendre prendre une toute autre direction que son œsophage. La même chemise à carreaux fonçait sur lui. A 2 mètres. Il recula son bras droit et le lança aussi fort que toute la vodka qu'il avait engloutie heurtait son crâne. Cela fit un bruit de fruit pourri tombant sur le sol. Il regarda son poing et vit deux incisives plantées dans ses phalanges. Au moins il avait visé juste. Il n'eut pas le temps de pouvoir constater les dégats sur sa victime qu'on le poussait violemment contre le sol en lui pliant vertement les bras dans le dos. - On ne bouge plus . Police. - Je peux tout vous expliquer. - Nous aussi. Mais pour l'instant on ferme sa gueule et on ne bouge plus. Le flic le menotta et le releva sans ménagement avant de l'attacher à la descente de gouttière à l'angle de la rue. Il lui fit signe de se taire. Surtout. Avant de sortir son arme et d'avancer, celle ci caché dans son dos vers l'attroupement à une centaine de mètres. Sans vraiment être sur de voir ce qu'il voyait, il reconnut Stéphane et Noé à l'écart d'un groupe de policiers qui passaient menottes sur menottes à d'autres types en chemises à carreaux. Trois types se montraient moins coopératifs. Ils refusaient de se faire passer les menottes. Il regardaient même les flics avec beaucoup d’autorité. Comme si tout ce qui se passait n'avait pas lieu d'être. Comme si tout cela ne les concernait en rien. Ce qui semblait parfaitement sensé aux yeux de Karim. Qu'est ce que deux costards cravates pouvaient avoir à faire dans une histoire de ratonnade. Pareil pour l'éclopé qui levait sa canne dès qu'un bleu s'approchait trop près. A côté d'eux, un autre n'avait pas droit à la diplomatie dont les flics usaient avec ces deux là. Il était pourtant déjà amoché. Le pansement qu'il portait permit à Karim de poser le diagnostic. Fractures multiples de la cloison nasale. Il portait un imperméable gris. Et une arme au poing. Il souriait aussi. Jusqu'à ce que Favreau lui arrache l'arme et que deux bleus lui passent les menottes sans aucune douceur. Ils lui tordirent si fort les bras qu'il ne put que ployer les genoux. A terre, Karim crut l'entendre dire qu'il était de leur côté, putain. Mais il en était pas sûr. La vodka montait et descendait à nouveau dans son corps. De la tête aux pieds et vice versa. Un vrai manège. Il se concentra une dernière fois pour essayer de comprendre dans quelle bousin il s'était foutu mais il n'y avait déjà presque plus personne . Un calme étrange régnait autour de lui. Il se rendit compte qu'il pleuvait. Pas très fort. Un simple crachin de septembre. Mais suffisamment pour rendre son sweater trempé de l'extérieur aussi. Des frissons lui parcoururent l'échine. Sur le trottoir d'en face, les gens passaient, tournaient la tête, et continuaient leur chemin. Rien d'intéressant. A ses pieds, il put enfin voir les dégâts de sa droite. Le polonais était inconscient. Du sang sortait en continu de sa bouche et sa position ressemblait à celle d'un mort de polar. Une jambe relevée et les mains dans le dos. Menottées. Il se pencha et constata que le type s'était chié dessus. Cela eut raison de son estomac. Il se retourna et vomit tripes et boyaux. Soit de la bile et de la vodka et quelques petits pois. Il eut plusieurs hoquet au fur et à mesure qu'il tentait de s’asseoir. Quand il y arriva, le commissaire Favreau était juste en face de lui, contemplant sa déchéance avec ses éternels yeux fatigués. - On vous dois une fière chandelle M. Jaïsh.
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