Lelendemainduraout,Noéavaiteulamauvaiseidéedenepasramener sagamelle.Amidi,aulieudefermerlaportedesonbureauetde grignoterunesaladeetunfruit,ilavaitdûcéderetaccompagnerses collèguesjusquechezlevendeurdesandwich,placedeCoïmbra.La Postevenaitdefermerettouslesemployésdesbanquesprésentessur lesCouronneriesdevaientvenirymanger.Lesbribesdeconversation qu'ilcaptaittournaienttoutesautourdel'argent,descomptesà découvert,desclientsmallunésetdesaffairesrefourgués.Un supplice.Ilregardasamontre.ilétaitàpeine12h45.Ilsedonnaun quartd'heurepourengloutirsonsandwichpouletcruditésettrouver unprétextepourfileràl'anglaise.Autourdelui,ChristianMochat, ZiadBenJelloun,AurorePelletieretCamilleRocancourt, obscurcissaientsaperspectivesurl'avenuedel'Europe.Tousétaient sesemployés.Ilremarquauneparfaiteparité.Simplecoïncidence quandonpensaitàleurdifférentsniveauxderesponsabilités.Deux hôtessesd'accueil(celledumatinetcelledel'après-midi,deuxmi-tempsprécaires),uneagentadministrativequigéraitlesecrétariatdesdeuxchargésdeclientèlequ'étaitZiadBenJellounetChristain Mochat.Seulemanquaitdel'équipesasecrétaire,CarolineJuglart, quiavaiteulabonneidéedenepasoubliersonrepaschezelle.Tous leregardaientsanstropsavoircequ'ilsdevaientdire.Mêmes'ils pouvaientfumer,saminedesmauvaisjoursetl'ennuiquitranspirait desapositionprésente,nedevaientpasaider.Iltentadedétendre l'atmosphèreenlançantuneblaguesurlesbanquiers.Celanefitque crisperunpeuplusleursvisages.IlvoyaitCamillejoueravecsa vapot'sanstirerdessus.ToutcommeZiadregarderfixementsonpaquet de cigarettes. -Vousnefumezpas ?Jeseraisvousj'enprofiterais,c'estpeutêtre le dernier jour de septembre où les terrasses seront ouvertes.Desdemissourires,etundoublepassageàl'acte.Voilatoutcequ'il obtint.Leserveurarrivaavecleurcommandeetchacunsemitàmanger sansbruit.Ungorgéedecocaplusloin,cefutChristianquidécida d'engager un semblant de conversation.- Qu'est ce que va faire le PB cette année à votre avis ?-Lesplayoffs.J'ycrois.OnagardéGreeretNelhomme,onades jeunes.EthormisBourgetBoulazac,personnen'estintouchable.Z'en pensez quoi Noé ? Vous jouez je crois chef ?Ziadavaitunembonpointquicollaitparfaitementavecsonmétier.Il étaitrond,jovialetprétaitàrireetàéchanger.Surtoutetrien. Etàvouslaissertenter.Commentunhommecommeçapourraitvouloir dumalàquiquecesoit ?Voilacequedevaitsedirelaplupartdes gens.Noé,quiavaitlesstatistiquescomparésdesesdeuxchargésde clientèlepouvaitconstateràquelpointc'étaitvrai.Ilavaitun avenirtouttracé.Danslabanqueoudanslecommerce,peuimporte,il réussirait.MêmeNoénepouvaits'empêcherdeletrouversympathique. Ilchoisitdoncd'êtrediplomateetdenepasdirequeleCrédit Mutuelsedésengageaitdoucementmaissûrementetquelacotedu basketsurPoitiers,bienquetoujourssupérieureàcelleduvolley, commençait à s’effriter.-Franchement,jenesaispas.L'équipepeuts'appuyersuruncoach renommé,maislesjoueurs...J'avouequejenesuispluslebasket autant qu'avant depuis quelques temps.Noésentitpresquel'inquiétudegagnerleursyeuxcommeilsse posaienttoussurlui.Leurssandwichsàlamain,ilsattendaient quelquechose.Unelarmepeutêtre.Desconfidencessansdoute.Tous avaiententêtecequ'ilavaittraverséilyaquelquesmois.Il n'avaitd'ailleurslâchésacannequedepuismoinsdedeuxsemaines. Ilneleuravaitriendit.Ilsneluiavaientriendemandé.C'étaitlà unabcèsqu'ilfaudraitcreverunjouroul'autre.Pasaujourd'huien toutcas.Ilaimaittroplatranquillitéetlaréservequeluioffrait cettepeurqu'illisaitdansleursyeux.Pire.Ilenavaitbesoin.Lui avaitdéjàfinisonsandwich.Neluirestaitplusqu'unedemicanette decoca.Etilleslaisseraientàleursragots.Aumomentdereposer sa canette enfin vide, Christian eut la mauvaise idée de parler.-Voussavez,jecroisqu'ilyabesoind'unboncoupdebalai.Etque ce coup de balai, il arrive l'année prochaine.- De quoi tu parles encore, Christian ?-Jeparledenotrepays.DelaFrance.Desasociétémalade.Gangrené par la corruption et l'égoïsme.- Te voilà poète.-TupeuxtemoquerCamille.C'estlavérité.Lesgensenontmarre. Ils veulent du changement.-Çaferaitunbonslogan,ça.Attends...Lechangementc'est maintenant. Pas mal, non ?- Très drôle Ziad. Pourtant croyez moi, le vent va tourner.- Ouais c'est ça. Je le sens déjà venir.ZiadlâchaunpetbruyantquifitseretournerlesgensduCrédit Mutuel.Lesfilleséclatèrentderire.Christianabandonnaetregarda ailleursenlaissantlerestedesonsandwichsurlaserviette.Il pritsacanetteetNoépouvaitvoiràquelpointilsesentait incompris,pournepasdireàl'écart.Defait,cettepetitepausese révélaitbienplusinstructivequeprévue.Ilseleva,etleurditque quelquesoitleventquis'annonçait,ilyauraittoujoursdesgenset del'argentetqu'ilauraitbesoind'euxà13h30pétantes.Aleurs mines sérieuses, il sut que le message était passé. Quandilarrivadanssonbureauàpeine5minutesplustard.Sonflanc droitlelançait.Ilouvritsontiroiràclésetsortitunactiskenan avantdel'avalersec.Ilnetenaitplusquegrâceàçadepuis3mois. Ladouleurrevenaittoujours.Toujoursfrappercontresonventre.Il eutàpeineletempsderefermerletiroirqueCarolineJuglart entraitavecdescourriersdemandéslematinmême.Unexemple d'efficacité.- Dites moi Caroline, Christian, il est encarté ?- Je ne comprends pas , monsieur. Encarté ?- Il adhère à un parti politique ?- Pas à ma connaissance monsieur.- Merci.- Mais on peut dire qu'il a des opinions bien arrêtés.- C'est-à-dire ?Auvoilequipassasursonregard,ilcompritquesijamaisellelui répondait,ellefranchiraitlecadrestrictedesesattributions.Et dansl'écosystèmehumainfragiledelacaisseduCréditPopulairedes Couronneries,celapouvaitéquivaloiràunemiseauban.Autrementdit une mort socioprofessionnelle.- Laissez tomber, Caroline. Merci pour les documents.Ellesortitaveclesourire.Luisemitàcraindrelepire.Unjourou l'autre tout ces non dits allaient lui péter à la gueule.