Il ne lui restait qu'à peine 6 heures. 6 heures. Autant dire rien. Stéphane tournait en rond dans l'appartement de Big O qui sentait si fort le renfermé qu'il se demandait s'il n'allait pas finir par devenir complètement taré. Quand Jallais était arrivé, Favreau lui avait tout expliqué. La France entrait en campagne présidentielle. Les tensions, pour l'instant larvées, allaient grimper. Et vu le climat actuel, elle risquaient même de s'exacerber. C'était le mot qu'il avait employé. Une manière de dire qu'il était assis, que nous étions tous assis, sur un cocotte minute. Et qu'elle risquait de péter. De péter très prochainement. Tout indiquait que ce dont on l'accusait, était un crime raciste. Sans doute antisémite. Et il était hors de question que la presse commence à déblatérer dans ce sens. Favreau, qui commençait à le connaître avait cru trouver en sa personne quelqu'un qui accepterait. Et qui comprendrait. Comprendre, ça oui, il avait compris. Toujours sur les petits que l'on tape. Toujours eux qu'on vient faire chier. Parce qu'ils en ont tellement l'habitude que fermer sa gueule chez eux est une deuxième nature. Seulement voilà, Stéphane en avait assez. Alors il n'avait pas accepté. Et les avaient foutu dans la merde. Au final il était encore plus dans la merde. Obligé de résoudre un crime pour pouvoir sortir de l'ombre. Eux aussi, avaient découvert les activités de Gerarhdt Schlösser. Ils avaient fouillé Stéphane n'avait pas pu mais n'y avaient strictement rien trouvé. Un employé modèle. Un européen convaincu. Un vrai. Qui luttait bec et ongle pour que la paix règne entre ceux qui avaient foutu par deux fois le monde à feu et à sang. Le pire c'est qu'il essayait d'aller plus loin. Attaché aux PME, il essayait par tous les moyens de lutter contre le dumping social entre régions (c'est comme cela qu'ils appelaient les 27 états nations de l'UE). Il avait eu quelques succès. Beaucoup de revers. Il avait se faire plus d'ennemis que d'amis d'ailleurs. A Bruxelles et ailleurs. Mais de là à le crucifier … Alors Stéphane avait cherché à comprendre. Essayé de trouver un lien entre Oradour sur Glane et Schlösser. Là, il avait mis le doigt sur quelque chose d'intéressant. D'intéressant et de déroutant. Le grand père de Gerarhdt Schlôsser n'était autre que Wilfried Schlösser, obersturmfuhrer de la SS. Un pur et dur. Qui n'aimait tellement pas les juifs qu'il avait collaboré activement à l'édification de Buchenwald. Et enterré les reste des juifs du ghetto de Varsovie. Il avait fini sa carrière pendu par les russes quelque part en mars 1945 du côté de Cracovie. Il avait laissé madame et leur jeune fils Arian, le père de Gerarhdt, se faire oublier. Gerarhdt avait grandi en RFA nourri au Coca et à la charcuterie dans des écoles la poignée de main entre Helmut Kohl et François Miterrand était affiché dans les bibliothèques. Un homme au passé meurtri mais à l'avenir possible en somme. Stéphane avait essayé de trouver des liens possibles avec des partis politiques de tout bord mais rien n'était sorti. Il respectait son devoir de réserve comme un prêtre son sacerdoce. Cela en faisait une énigme. Ou plus exactement faisait de son crime une énigme. Avec moins de quatre heures avant de voir débarquer l'inspecteur Jallais voilà tout ce qu'il avait. Autant dire rien pour le disculper. Pire, même. Stéphane avaient fait quelques manifs au collège. Lancé quelques cailloux sur la flicaille, un bandana sur le visage et un drapeau anarchiste brandi. Autant dire que les nazis c'était pas sa tasse de thé. C'était toujours vrai. Mais il ne doutait pas un instant que de vieilles photos ressurgirait et que la victime trouverait ainsi son bourreau sans que celui ci soit cru lorsqu’il dirait le contraire. - Je suis foutu. Il l'avait dit à haute voix. Je suis foutu. C'était une évidence. Il regarda une fois de plus le joint merdique qu'il s'était roulé . C'était celui du condamné. Et il allait l'être. Alors foutu pour foutu, il se leva du canapé de Big O et ouvrit les fenêtres en grand. Le jour n'était pas levé. Seuls les éclairages de la ville lui donnaient un peu de relief. Du haut du dixième étage de la tour, il la voyait en entier. Petite ville tranquille. Qui allait l'enterrer. Il alluma le joint et se posta à la fenêtre. Les cloisons de plâtres mal isolés laissaient entendre les familles qui se préparaient. Les bols qui s'entre choquaient. Un passé meurtri. Un avenir possible. Il prit le smartphone que Jallais lui avait donné au cas il trouverait quelque chose. La beuh était tellement sèche qu'elle en était dégueulasse. Il jeta le joint à peine entamé et consulta ses mails. Pas un seul de ses fournisseurs ne l'avaient contacté. Seuls quelques spam étaient arrivés depuis qu'il avait explosé le sien. Sans réfléchir, il ouvrit toutes les newsletters. Il se sentait à chaque fois plus mélancolique. Les jordan qu'il ne porteraient jamais. Le sweat qui lui manquait. Les nouvelles boissons énergisantes qui auraient gonflé son chiffre d'affaires. Il finit, comme un homme qui allait être coupé du monde. En ouvrant la page de l’Obs , justement. Histoire de voir tout ce qu'il contenait. Le bon et le moins bon. Et c'est, à la quatrième news qu'il se mit à espérer. Peut-être que lui aussi, malgré son passé meurtri, allait avoir droit à un avenir. - Jallais ? - Ouais... - J'ai trouvé quelque chose.
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