Les gars avaient été sympas. Super sympas, même. Le truc, c'est qu'à part leur sourire, ils n'avaient rien compris à ce qu'ils lui avaient dit. Tous des travailleurs détachés. Polonais sans doute. Ou bien hongrois. Ou bulgare. Noé n'avait pas l'oreille pour ces pays. Pour lui, c'était toujours le bloc de l'est. Ils parlaient tous russes, dans son subconscient. Qu'ils puissent avoir une langue à eux voire même une culture propre relevait pour lui de la stupéfaction. Et il allait devoir s'y plonger. Vite. Parce qu'il allait vite devoir comprendre ce qu'ils lui racontaient. Peut être même était ce trop tard. Oui. Peut être lui avait ils déjà dit ce qu'il devait savoir. Le cuir de son ballon ne portaient dorénavant que le souvenir des signatures des joueurs du PB qui étaient monté chez les pro il y a maintenant des années. Juste quelques marques de feutres noir qui tâchaient un peu ses doigts à chaque fois qu'il le serrait trop fort. Comme maintenant. Comme depuis un heure. Comme depuis qu'il avait parlé avec la seule personne qu'il avait pu comprendre dans cette putain d'entreprise de travaux publics. Le patron. Un homme musculeux qui avait monté sa boite après pratiquement vingt ans à monter des parpaings pour les autres. Et une paie proche du minimum légal. Lui en restait une hernie discale, un regard farouche et des manières pour le moins viriles. Noé avait pu le constater quand il lui avait demandé ce qu'il attendait comme aide. - De l'aide ? C'était y'a trois ans que vous auriez ramener votre cul. Maintenant j'ai besoin de personne. Surtout pas de quelqu'un à qui devoir quelque chose. Même si c'est sans intérêt. - Vous n'avez pas de projets d'achats. Des machines ? Du savoir ? - Des machines ? Du savoir ? Non mais vous êtes bien entré par l'atelier ? - Euh...oui. - Et est ce que ça ressemble à la Silicon Valley ? - Je peux pas dire. J'y suis jamais allé - En plus vous vous foutez de ma gueule. Le type, Germain Rondeau, avait redressé autant qu'il le pouvait sa carcasse en disant cela. Et Noé se demandait s'il allait lui en coller une pour son impertinence ou simplement l'éconduire. Au lieu de cela il alla farfouiller dans la seule armoire qui occupait son bureau. Il en sortit un classeur si plein que des feuillets tombèrent avant qu'il n'atteigne son bureau. - Je vais vous dire ce dont j'ai besoin. - Je suis la pour ça. - De français. - Pardon ? - Vous voyez tout ça ? Il lui montrait en même temps que Noé commençait à comprendre à qui il avait à faire, l'ensemble des demandes d’apprentis qu'il avait soigneusement transmises à la chambre des métiers depuis trois ans. Et en même temps qu'il tournait les pages, semblant à chaque fois se souvenir de quand et comment il avait adressé les demandes, il lui disait qu'il n'avait jamais eu quelqu'un de valable. Le jeune qui était resté le plus longtemps avait tenu une semaine. Soi disant qu'il était maintenant en arrêt maladie. - Tous des putains de tire au cul, voilà la vérité. Je suis prêt à vous payer, vous entendez ? Je suis prêt à vous payer si vous me trouvez quelqu'un pour prendre la suite. Un français. Un gars de chez nous. - Vous voulez dire que tous vos employés sont étrangers ? - Tous polonais, oui monsieur. - Euh...Excusez moi mais c'est légal ? - Bien sûr ! La directive sur les travailleurs détachés , ça vous dit quelque chose ? - Pas vraiment. - Et bien c'est une bénédiction. Noé n'avait pas cherché à en savoir plus. C'était suffisant. Il prit le classeur et ramassa les feuilles qui en était tombé puis serra la main de Germain Rondeau. Il eut l'ai presque surpris quand il lui lança un « je vous ferais parvenir ce que l'on peut pour la mise au normes de sécurité européennes de votre atelier. Bonne journée M. Rondeau ». Il l'avait même salué lorsque son audi avait dérapé sur le gravier de la petite entreprise de Buxerolles, trahissant l'urgence que ressentait son conducteur.
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