Karimn'avaitpasforcémentpasséunemauvaisejournéeauboulot.Pas plusqued'habitude.Ilnesesentaitpasdépriménonplus.Pasplus quecesdernierstemps.C'étaitjustesatête.Elleluifaisait l'effetd'unecocotteminute.Prêteàexploser.Ilregardala bouteilledevodkadevantlui.Elleétaitouverte.Pasentamée.Le paquetdeLuckyStrikeàcôtésubissaitlemêmeétat.Ilsétaient prêts.Prêtsàentrer.Objetsinanimésqu'ilavaittoujourssutenirà l'écartdesavie.Jusqu'àprésent.Maisaufondavaitilvraiment vécujusqu'ici ?N'étaitcepasuncheminbaliséparl'ordredes choses qu'il avait suivi? Sans jamais le remettre en cause ? Oui.Oui,iln'avaitjamaisdévié.Jamaisprisdecheminsdetraverse. Jamais fauté. C'était un type bien. Il l'avait toujours été. Il n'avait fait que suivre le chemin qu'on lui indiquait.Au final, il se demandait jusqu'à ce que renfermait vraiment son âme ?Qui suis je ?Qui suis je au fond ?Lavodkaetlesclopesn'étaitqu'uneétape.Celledes expérimentations.Celaluifitbizarre.Pasqu'iln'aitjamaisbuou fumé.Maisparcequ'iln'avaitjamaisvraimentvouluboireoufumer. Ilétaitdoncfaceàsondésir.Etilétaitnoir.Noircommeleseaux delaBoivreàcetteheure.Ilrelevalatêtedesesobjetsetdu cartonrenverséquilesportaitpourseretournersursachaise.Ses voisinsdormaient.Aucunelumièrenefiltraitnullepart.Larue Maillochonn'étaitplusempruntéedepuislongtemps.Devantluiles lumièresdelagaredefretluiservaientdelampehalogène.Une lumièrejauneetbleue.Froidecommeunscalpel.Ilétaittemps d'entrerdanslevifdusujet.Autourdeluirienneviendraitle déranger.Sonjardincouraitsurunevingtainedemètressurlaberge delaBoivreetremontaitjusqu'àlamaisonoùilvivait,dixmètres audessus.L'herbeétaithaute.Fraîcheetodorante.Ilchassaune moucheperduedanssonverredecuisineetcommençaàverserunpeude vodka.Illasentitdescendretoutlelongdesonœsophage.Illa sentitmêmelorsqu’ellesediluadanslecontenudesonestomac.Il n'avaitrienmangédepuislemidi.Autourdirequelefeurencontrait lefeu.Ilfitunegrimaceetextirpaunecigarettedesonpaquet, l'allumantpresquepoursedirequeçaallaitadoucirletout.Satête semitàtourner.Etl'enviedevomirdevintréelle.Ilseleva, s'étira,respiraungrandcoupetretirasursaclope.L'effetse faisaitsentir.Ilvoyait.Ilvoyaitpourlapremièrefois.Ettoutle monde,touspouvaientallersefairefoutre.Ilfarfouilladansses pochesdejeanetregardasiilavaitsuffisammentdebatteriepour lanceruneplaylist.54%.Ilbranchasesécouteursetlaissala musique se déverser au même rythme que son deuxième verre de vodka.Enfin libre. Lesbassesdel'albumMezzaninedeMassiveAttackaccompagnaitle tempodesadéchéanceprogressive.Etilsentaitquetoutpartait.Il allumaunedeuxièmecigaretteaveclapremière.Etserassitpour contemplerlagaredefretetlaBoivre.Deuxtraficsjusteàses pieds.Deuxcourantsquiemmenaitlemondeetlanatureunpeuplus loin.Deuxmouvementsdontils'excluait.Dontilétaitexclu.De fait.Etauxquelsilnevoulaitplusparticiper.Deprèscommede loin.Lemondepouvaitcrever.Ilnebougeraitpluslemoindrepetit doigt.Ilfermalesyeux.Etlachanteuseluidisaitqu'ellel'aimait, l'aimait,l'aimait.Bientôtlachansontouchaàsafin.Uneautreprit lasuite,plusstructuré,plusrythmé.Ilfitavancerapide.Illui semblaalorsqu'ilvibrait.Qu'ilvibraitavecl'herbe,lestrainset l'eau. Qu'il voyageait, en somme. Sans bouger. Ilfinitsatroisièmevodkaenlaissantsaclopepasencorealluméeau coindeseslèvres.Ilfermalesyeux.Etselaissaalleràvibrer.Et aufuretàmesurequetoutdisparaissaitautourdelui,lenoirle cernaunpeuplus.Aumomentdesombrerdansl'inconscient,ilnevit aucunelumière.Justelesténèbres.Lesténèbresépaisseset sulfureuses de ceux qui se sont perdus.