Il lui faisait peur. Oui.Peur.IbrahimétaittellementfrêleettellementsouffreteuxqueNoécroyait quec’étaituneruse.Ilavaittenté deluiparler,justeaprès l’avoirrécupéré,maisiln’avaitréussiàtirerdeluiquedes réponsesmonosyllabiques.Aumoins,parletimbredesavoix,étaitil sûrdesonâge.Etdirequesesparentsallaientvenir.Maispasavant sixmois.Sitoutsepassaitbien.SiNoéfaisaitcequesesparents luiavaientdit.Commetoujours.Noéavaittoujoursfaitcequeses parentsluiavaientdit.Jamaisiln’avaitremisencauseleurparole. Elleétaitsacrée.Enquelquesorte.Maislestempschangent.EtNoé avaitavalésuffisammentdecouleuvrespourêtredevenuméfiant.De tous.Karimétaitbienalcooliquesansqu’ilnesesoitaperçude rien.Parcequ’ilfaisaitconfiance.Toutletemps.Atoutlemonde. Parcequeparoledonnéevalaitautorité.C’étaitsaloi.c’étaitla loidesonantiquefoyer.CellequedevaitconnaîtreIbrahimaussi. Noéetluiétaientissusd’uneculturedelaparole.Pasdel’écrit. Aussiavaitillacertitudedesesparents.Etunecarted’identité ivoiriennepérimée.Ibrahimyfaisaitsonâge.17ansoupresque.La premièrepièced’identitéduvillagesûrement.Fruitdel’abnégation de ses parents à sortir sa famille des traditions. Seulement…Seulementlestraditionsontlaviedure.Etderrièrelasouffrance d’un enfant se cache souvent une AK47.QuidisaitàNoéqueIbrahimneseraitpasceluiquiferaitbrûlersa ville ? Il avait déjà connu plus burlesque. Et plus effrayant.Alors il lui avait demandé.- C’est ta carte ?- Oui.- Tu ne sais dire que ça ? Oui ?- Non.- Pourquoi tu ne veux pas me parler ?-Non.- Non quoi ? Tu ne veux pas me parler ou tu as une bonne raison ?- J’ai des raisons.- NON MAIS TU TE FOUS DE MOI !!!Legaminavaitcouruderrièrelecanapé.Iln’yavaitquesesmains qui dépassaient. Putain.C’était une victime de guerre.-ExcusemoiIbrahim.Tun’aspasàmecraindre,ok ?Jeneveuxque tonbien.Maisilfautquetumefassesconfiance.Quelquesoienttes raisons,ilfautquetumeparlespourquejepuisset’aider,ok ? Allez, dis moi comment vont tes parents ?Legaminavaitlittéralementcolléaucanapéavantdeseleveretde tomberdanslesbrasdeNoé.Commeça.Parépuisementsûrement.Par détressedetouteévidence.Enleregardant,Noéavaitvudes scarificationssursesdeuxavantsbras.Etunemarqueauferrouge dans son cou.Cen’étaitpasunesimplevictimedeguerre.C’étaitunemarchandise qui avait été vendue. Mais par qui ? Ses Parents ?Le village ?Des trafiquants ?Des terroristes ?Amesurequelegaminleserrait,Noénepouvaits’empêcherdepenser àsesfilles.Etillesretrouvaitdanscegossequ’ilneconnaissait pas.Etilétaitbienplusfragile.Bienplussvelteaussi.Elevéau manioc et au vent.Son ventre en disait long. Gonflé comme une baudruche.Putain.Il fallait qu’il parle.Pour être sûr.Pour ne pas faire de boulette.Pour faire confiance à ses parents.Encore.Illuicaressalecrâne.Sescheveuxcommençaientàrepousser.D’ici quinze jours sa marque serait invisible.Alors Noé se dit qu’il fallait tenir. Tenir quinze jours.LegaminlelâchacommeNoépensaitàladatequicorrespondaitàdeux semainesd’icietluifitface.Leslarmesfaisaientdeuxsillonssur ses joues.Et il parla.Enfin.- Ils sont morts.