Noé avait se lever pour fermer la porte de son bureau. Le ton montait trop. Beaucoup trop. Ziad avait déjà tourné la tête subrepticement en se dirigeant vers la photocopieuse. Rabotin était remonté. Et Noé tout autant. C’était la première fois qu’ils s’engueulaient, il n’y avait pas d’autres termes. La veille, une fois ses filles bien endormies et pour chasser ce que son ex lui avait balancé, il s’était plongé dans la note de Saurier. Lénifiant. Tout n’était qu’un ramassis de propos creux qui ne faisaient que renforcer sa première impression. Le type ne savait pas. Il ne savait pas ce que faisait au quotidien les salariés de cette banque. Il ne connaissait pas les quelques 80 % des clients. Il ne connaissait pas leurs placements. Il ne connaissait que le nombre. La capacité d’épargne. Et le taux de rentabilité qui lui permettrait de gagner plus d’argent. Pour ses filles il avait tout lu. Il avait même surligné les passages. Mais tout n’était que vent. Les montages financiers l’avaient ramenées sur les bancs de son école de commerce. Bordel. C’était de la magouille. Légal. Mais quand même. Alors quand il avait reçu l’appel de Rabotin, cela s’était vite envenimé. Pourtant Rabotin l’appelait pour le féliciter. Le remercier de sa diligence à combler son retard et le courage dont il avait fait preuve pour tenir la banque à l’écart des problèmes et laver son honneur. Oui. Il l’appelait pour le désigner employé du mois. - Qu’est ce que c’est encore que ces conneries boss ? - Quelles conneries ? - Bah ce que vous me dites ! Depuis quand le crédit populaire désigne des employés du mois ? - Depuis ce mois. Une nouvelle manière de mettre en valeur le travail de tous les acteurs de la banque. Nous sommes une équipe, et chacun mérite de la considération. - Non, mais on vous a lavé le cerveau ou quoi ? Vous savez ce à quoi mène ce système ? - Parce que vous le savez vous ? - Oui à la mise en concurrence de tous contre tous. Bonjour l’équipe parlez plutôt de panier de crabe - Vous voyez le mal partout, Noé, réjouissez vous, c’est une belle récompense ! - Parlons en de récompense. C’était à ce moment, quand Noé avait dit ce qu’il pensait des produits financiers et de leur véritable finalité, loin, très loin, d’aider l’économie réelle que le ton était monté. Rabotin lui demandant de se rappeler à qui il parlait. Noé lui avait dit d’attendre une seconde. Rabotin lui avait dit qu’il avait tout son temps. La porte avait été fermée. Les volets baissés. Et Noé avait repris. - Je parle à mon supérieur hiérarchique en qui j’ai une confiance totale. J’ai lu, tout lu. Et tout ce que nous allons faire c’est nous servir de l’épargne de gens pour boursicoter sur des valeurs liées à l’énergie verte. Nous n’allons pas aider la construction de batterie automobile. Nous allons spéculer sur ceux qui les financent. Alors, Monsieur Rabotin, je me dois de vous le dire, nous allons dans le mur. Et dès ce soir, je dirais à tous mes employés de renoncer à proposer ce type de produits à nos clients. - OK. Je vois. C’est une mutinerie. - Ah bah de mieux en mieux ! Après McDonald, l’armée maintenant. Putain mais qu’est ce qui se passe dans cette putain de banque ?!? - Autre chose à ajouter ? - Oui, envoyez moi ce Saurier, que je lui montre la vraie vie. - Ça tombe bien il viens vous voir demain. Pour vous féliciter. Au départ. Maintenant il va aussi vous briefer, vous pouvez compter sur moi, Monsieur Ouedraougo.
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