Noé avait été particulièrement productif. Il avait trouvé le courage de finir les statistiques, d’envoyer les notations de tout son personnel, celle de Caroline finie en fin de matinée et maintenant il sirotait un demi place de l’Europe en songeant à ce qui l’attendait. Bien évidemment Rabotin lui avait répondu et, sans le féliciter, l’avait quand même remercié en lui demandant de tenir les délais la prochaine fois. Noé n’avait pas eu le courage de lui parler de ce qui lui avait empêché de tenir ces délais. Il le savait déjà. La preuve en était qu’un nouveau directeur régional avait été nommé. Un homme à la cinquantaine débonnaire. Du moins en apparence. Il espérait ne jamais avoir à faire à lui. Sa réputation de tueur n’était plus à faire. Comme celle d’incorruptible. C’était un message envoyé aux sociétaires, de toute évidence. Les temps changeaient. Et le crédit populaire avait lavé son linge sale. En lisant le journal, entre deux gorgées de bière, Noé avait eu un sourire satisfait en lisant les décisions du tribunal. Jean Claude Lazar venait d’être transféré à la Milétrie. Troubles alimentaires. Et altération de l’état général. Au moins payait il. Une brève indiquait également une grande rafle dans les milieux de la drogue pictave menée de front par les services du commissaire Monchaud et du RAID. Les choses semblaient évoluer dans le bon sens. Peut-être que la peur allait changer de camp, finalement. Il ne put s’empêcher de s’enorgueillir d’avoir pris part, même petitement, dans ce remue ménage. Il replia le journal, regarda sa montre et décida de retourner à l’agence. Ziad et Jérôme devaient être rentrés maintenant. Et il devait les briefer, ordre de Rabotin, sur les produits éco responsables. Comme il avait compris qu’il valait mieux faire profil bas, il respira un grand coup, oublia le sentiment d’étouffement de se retrouver une fois de plus à appliquer des ordres insensés et décida de prendre ça à la légère. Ces gars ne connaissaient pas le terrain. Tant pis pour eux. Noé les attendaient. Son téléphone vibra comme il franchissait le sas de l’agence. Son ex. C’est qu’il s’était souvenu qu’il aurait passer chercher ses filles ce matin. Merde. Putain de merde. Trop occupé à finir sa paperasse, il avait zappé ses filles. Il décrocha. - T’as rien oublié ? - Bonjour Karine. - Ouais. Alors ? t’as rien oublié ? - Excuse moi, le boulot. - Ouais, j’en ai un moi aussi. Et j’ai du mentir pour garder tes filles. - Nos filles. Il la laissa déverser son fiel sans l’interrompre. Elle était aigrie maintenant. Sans doute croyait elle pouvoir refaire sa vie. Mais quand on approche des quarante ans, qu’on a deux filles de 11 et 14 ans en crise d’adolescence, les choses se passaient bien différemment. D’ailleurs, s’il avait oublié c’était parce que ce n’était pas prévu. C’était pour lui rendre service. Noé faisait tout son possible pour l’aider. Mais ça ne suffisait pas. La colère de Karine était toujours intacte. Elle vieillissait mal en somme. Et cela jouait sur le comportement des filles. La petite était particulièrement dure en ce moment. Elle s’était mis à tenir tête à tout le monde. Ses résultats scolaires s’en ressentaient. On parlait de la faire redoubler. Voire de la mettre dans une classe spécialisée. Cela inquiétait au plus haut point Noé. C’était peut-être la seule chose qui l’inquiétait d’ailleurs. Il ne reconnaissait plus sa petite fille. Quand elle venait chez lui, elle passait son temps devant Netflix. Et les seuls moments qu’ils passaient ensemble était pour faire ses devoirs. Elle n’était pas bête. Et Noé d’une patience infinie avec elle. Alors, les résultats suivaient. Le temps qu’il les avaient. Il allait devoir s’en occuper. Bientôt. Un jour. Malheureusement, et comme à peu près tout en ce moment, il s’en foutait royalement. Il lui promit que ça n’arriverait plus et lui raccrocha au nez alors qu’une bordée d’insultes se profilait. Derrière le comptoir d’accueil, Caroline lui sourit. Il lui dit de prévenir Ziad et Jérôme pour la réunion puis il prit le dossier de la direction qu’il avait imprimé en trois exemplaires et ouvrit la porte de la salle de réunion. Une pièce rectangulaire aux murs couverts des différentes campagnes de pub du crédit avec vidéo projecteur et tables de conférence. Il s’assit à un bout et posa les deux dossiers de chaque côté de lui. Ziad et Jérôme arrivèrent en même temps. Dans sa tête, il pensait à ses filles.
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