Stéphane n’aurait jamais pensé revenir en arrière comme ça. Jamais. Replonger dans la fange dont il s’était extirpé lui avait pris trop de temps. Laisser tomber le bon et le mauvais. Laisser tomber de vieux amis. Laisser tomer un homme qui était comme son frère, quelque part sur la rocade nord. Oui. Jamais il n’aurait pensé devoir replonger dans ces abîmes de j’en foutre et de baltringues qui croyaient que l’argent était facile. Il ne l’était pas. Il s’en rendait compte à chaque fin de mois. Devant lui Ibrahim ne savait s’il devait pleurer, fuir, ou tomber dans ses bras. - T’inquiète bonhomme, viens là. Ibrahim s’était blotti dans ses bras. Sa respiration s’apaisant petit à petit. Le problème avec les victimes de guerre, c’était qu’elle voyait le crime même il n’était qu’avertissement. Et c’était un avertissement. «  La malbouffe est un crime contre l’humanité ». Message extrême. Message clair. Message pipé. Quelqu’un leur avait dit. Quelqu’un avait cafté. Quelqu’un savait et leur avait dit qu’il ne vendait que des produits qui n’étaient pas éco responsable, comme on disait. Et il n’avait qu’un mot. Qu’un nom, plus exactement. Rose. Rose Giovanni. Ça ne collait pas pourtant. Elle aimait trop l’argent. Trop l’argent que sa gouvernance promettait. Les jardins de Bonnes ? Peut-être. Sûrement. Mais ils les voyaient mal venir de nuit taguer son bouclard. Après tout, ce devait être de petits branleurs bercés par les clichés qui avaient choisi son bouclard au hasard de leurs préjugés. Oui. Juste un coup du hasard. C’est pour cela qu’il avait sorti son vieux carnet d’adresse. Et retrouvé l’adresse de Sryk. C’était le seul nom qu’il lui connaissait et c’était bien suffisant. Ce type était un artiste. Il peignait de magnifiques graffs les espaces que la mairie lui laissait libre. Et il réglait des comptes aussi. Comme un ours trace de ses griffes un arbre, il taguait des murs pour signaler la limite d’un territoire. Stéphane lui avait à de nombreuses reprises demandé de marquer le sien . Et maintenant il ne voyait pas d’alternative. Il devait marquer son territoire. Certes, le message n’était pas le même. Certes il s’agissait de gens qui ne voulait pas son commerce. Certes tous ceux qui avaient tenté de se l’approprier étaient morts. Mais, maintenant, là, il devait marquer son territoire. Comme un chien pisse sur un mur. - Sryk ? - Ouais. C’est qui ? - Droopy. - Droopy !?! Bordel ! T’es pas mort toi ? - Non comme tu peux l’entendre. - Qu’est ce qui t’arrive mon frère ? - Je viens de me faire agresser. - Merde. Et t’es où maintenant ? - Avenue de la fraternité . Saint Éloi. A côté de la mairie. - Et tu veux que je vienne voir c’est ça ? - Ouais. Ouais, je veux que tu me dises ce que tu en penses. - Tu vends ? - Plus depuis 3 ans. - Chuis là dans un quart d’heure. - Merci. - Ouais. Stéphane rangea son smartphone prit dans ses mains les épaules de Ibrahim et lui dit que ses choses arrivaient mais que le meilleur moyen d’y faire face était de ne pas en tenir compte. Son regard devait dégager suffisamment d’assurance puisque le petit ouvrit le magasin et tourna la pancarte. C’était ouvert. Stéphane dit à Ibrahim de bien faire attention en encaissant le pain et s’assura que le vie reprenait son cour à mesure que le soleil dardait ses rayons sur sa façade maculée d’un tag écrit comme un message de Ben. Il prit son seau et sa serpillière et versa une bouteille de chaux dedans qu’il mélangea avec de l’eau. Sa serpillière sortit blanche comme la vierge. Et il entreprit sous le regard blasé des clients venus chercher leur pain d’ effacer le tag. Il arrivait presque à la fin lorsque Sryk vint lui frapper l’épaule. Dedans son magasin la foule était dense. Des jeunes principalement. Qui venaient acheter leur repas de midi. Bordel, il n’avait pas vu le temps passer. Il jeta un regard à Ibrahim qui lui indiqua que tout était sous contrôle. Il rangea sa serpillière dans le seau et se tourna alors vers Sryk. Il semblait en colère. - Putain mais comment veux tu que je t’aide si t’effaces tout. - Pas de temps à perdre. Et puis j’ai tout dans mon portable. - Montre. Devant les images que Stef faisait défiler, Sryk, grand frêle et blond comme les blés ne put s’empêcher de sourire. Ce qu’il voyait devait le renvoyer quelques années auparavant parce qu’il y avait un forme de nostalgie et de tendresse dans son regard face au tag qu’il voyait. Stéphane crut bon de lui rappeler la situation. - Ces enculés ont pourri mon commerce. - Arrêtes. C’est juste des gosses. Des gosses qui croient détenir la vérité. C’est vrai que tu vends que de la merde ? - Je vends ce que les gens réclament. - T’as changé. - Mon cul. Et toi non plus. Qu’est ce que tu peux me dire sur la provenance de ce truc ? - Cherche du côté des fac. Je dirais la fac de lettres. Y’a pas de fautes d’orthographe. - C’ est tout ? - Tu veux quoi ? Des noms ? Un groupe ? Ça fait longtemps que je ne marque plus quoi que ce soit pour qui que ce soit.
7
chapitres
>>
<<
Depuis 2017
ALC Prods
Le mélange des genres
L’ANTIDOTE