La Sandero avait droit à son baptême du feu plus rapidement que prévu. Karim , au volant, ne disait rien. Il se contentait de passer les rapports comme un pilote de rallye. A côté de lui, Stéphane ne pipait mot lui aussi, les yeux rivés sur son smartphone, espérant que le point rouge qui indiquait la géolocalisation du traceur qu’il avait posé quelques heures avant ne se mette pas en mouvement avant qu’ils arrivent. Et le bitume semblait comme un tapis roulant placé en mode TGV dans les raies des phares de la Dacia. Puis la forêt disparut et les tours des Couronneries apparurent. Le bitume défilait toujours plus vite. Le point rouge restait toujours statique. Et Stéphane commençait à avoir chaud. Le polyuréthane commençait à le gratter. La matraque lui harcelait la cuisse. Mais de ça, il se foutait complètement. Tout ce qui importait était qu’ils les prennent sur le vif. En flagrant délit. Qu’ils puisse relier son intuition à des faits. Bordel. Pourvu qu’il se trompe. La gare passa comme un fantôme à leur droite. Puis la caserne des pompiers avec autant de célérité. Enfin ils furent rue Maillochon. Karim se stationna au tout début de la rue. A un peu moins de 500 mètres de son appartement. - Tu me laisses passer devant. Et tu gardes ton téléphone ouvert. - Fais gaffe. Stéphane ferma la porte sans ménagement et se mit à avancer comme on progresse en territoire ennemi. Longeant les murs, il entendait les télés et les radios des habitants. Puis il vit la voiture et la lumière dans l’appartement de Karim. - J’y suis. Ne bouge pas. Pas encore. Karim ne répondit pas. Stéphane se dit que deux sentiments devaient le tirailler. La colère. Noire. Sanglante. L’envie d’en découdre. Et la peur. Viscérale. Profonde. Irrationnelle. Stéphane poussa la porte à la serrure défoncée de l’entrée du petit immeuble. Pas de bruit. Pas de voix. Putain. Ils devaient être dans le jardin. Il fit demi tour et poussa le portique d’entrée un plus avant l’immeuble. il vit un feu digne de la Saint Jean en plein milieu de la pelouse. Des bouts de bois flambaient en crépitant. Des bouts de bois et des bouts de meubles. Stéphane crut reconnaître l’ossature d’un bureau. Il contourna le feu sans que son ombre puisse être vu et monta l’escalier. Toujours pas de bruit. Puis les lumières s’éteignirent. - Ils dégagent ! Je les suis ? - Non rejoins moi. On s’est fait baisé. Karim quitta sa voiture sans verrouiller les portes et s’élança en courant vers son appartement. Bientôt il distingua les flammes dans son jardin . Puis la porte défoncée de l’immeuble et les stigmates de leur premier forfait sur sa porte grande ouverte. Et, quand il entra, il ne put que tomber à genoux. « Le fumier fait pousser les légumes mais les fumiers ne mangent pas de légumes. » « Le porc n’est pas un péché, c’est un animal. » « Le problème avec les arabes c’est qu’ils égorgent les porcs comme les enfants » « Un bon musulman ne mange pas de porc. Il est mort. » Des larmes commençaient à couler sur ses joues lorsque Stéphane le rejoignit. Lui aussi était dévasté. Comme l’appartement. Plus que l’appartement. trônait au milieu un gros tas de merde. De merde humaine. Ils avaient poussé le vice jusqu’à chier sur son tapis oriental. C’était tellement irréaliste que la tête lui tournait. En plus de l’odeur. - Putain mais qu’est ce qu’on leur a fait ? Mais merde qu’est ce qu’on leur a fait ? On sera donc jamais tranquille ? Hein ? Ils ne nous fouteront jamais la paix ? Stéphane enleva ses lunettes et sa cagoule. Il n’avait pas de réponse à lui donner. Mais il avait maintenant plus qu’une intuition.
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