C’était la tuile. La tuile parce que ce n’était pas prévu, qu’il n’avait pas les moyens et qu’il ne pouvait s’en passer. Karim avait vu sa Clio II ne plus vouloir démarrer sur le grand parking de l’hôpital au moment de rentrer chez lui. Il était aux alentours de 22 heures. Une âme charitable lui avait fourni des câbles, pensant que c’était sa batterie qui était à plat. Le vieille voiture n’avait rien voulu savoir. Elle était en panne. A cette heure ci, il avait laissé tomber et Aïsha, qui était de repos, était venue le chercher. Le lendemain matin, il était revenu en vélo. Mais la voiture n’avait, une fois de plus, rien voulu savoir. Inerte. Il n’avait donc pas eu le choix. Il avait appelé son garagiste qui était venu avec sa voiture. C’était l’électronique lui avait dit le garagiste. L’ordinateur de bord. Karim ne savait même pas que sa Clio avait un ordinateur. Quand il avait demandé au garagiste combien ça allait lui coûter, il avait rigolé. Karim, lui, ne voyait pas ce qu’il y avait de drôle. Alors le garagiste lui avait dit qu’il ferait mieux de changer de voiture. Parce que la réparer, vu son kilométrage, cela revenait à foutre de l’argent en l’air. Bref, la tuile. Donc depuis une semaine il allait au travail à vélo. Mais ça ne pouvait plus durer. Trop long. Trop fatiguant. Et surtout, au quotidien, vivre sans voiture dans une ville comme Poitiers était un peu comme le grand nord sans chien de traîneaux, on ne tardait pas à rester bloquer sur place. Alors il avait décidé de voir avec son garagiste, pour une occasion. Une petite voiture, plus récente que sa Clio, avec peu de kilomètres. Un modèle dont la fiabilité n’était pas à prouver. Une autre Clio. Ou une polo. Quelque chose dans le genre. Seulement voila, son garagiste n’avait rien de tout ça. Il fallait attendre. Il avait promis à Karim de le rappeler dès qu’il aurait un tel modèle. Karim l’avait remercié. Et avait filé à la SACOA des Nations, histoire de voir si une Clio, même bas de gamme lui était accessible. Il avait regardé, bas, la fameuse Zoé. Elle coûtait une blinde. C’en était presque étonnant d’en voir autant sur les routes. Pour ce qui était des Clio, elles étaient elles aussi intouchables pour lui. Près de 14 000€ en entrée de gamme. Et moteur essence. Lui qui n’avait aucun apport, autant dire qu’il se condamnait à manger des pommes de terre pendant des années. Il avait donc échoué un peu plus loin, dans l’espace d’exposition des Dacia. Là, les modèles étaient beaucoup moins attrayants. Le design était pauvre et, toutes semblaient de plastique. Il trouva cependant le seul modèle qui lui était accessible. Une Dacia Sendero . 8900€ pour une essence de 70 chevaux. Autant dire qu’il ne risquait pas l’excès de vitesse. Alors il avait réfléchi en faisant le tour de la voiture. Il avait réfléchi au fait qu’il ne partait jamais plus loin que la côté vendéenne et ce une ou deux fois par an. Il avait aussi pensé au fait que Aïsha avait son propre véhicule, plus solide. Il avait pensé à Aïsha aussi. Il était maintenant sûr qu’il pouvait compter sur elle. Et puis il s’était souvenu du nombre de ces véhicules qu’il avait croisé. Sur les parkings de l’hôpital. Dans les rues de Poitiers. Il y en avait bien plus que de Zoé. 8900€. Il n’allait pas faire le difficile. Le conseiller commercial était venu l’interpeler à ce moment là. Comme s’il avait senti qu’il fallait ferrer le poisson. - Je peux vous renseigner ? - Oui, je suis intéressé par ce modèle. - Oui. Un modèle robuste. - Vous l’avez en stock ? - Venez avec moi, on va regarder. Karim avait suivi le commercial jusqu’à son bureau et s’était assis à son invitation en face de lui. Le type avait pianoté dans le silence sur son ordinateur, les sourcils froncés. Puis son visage s’était éclairé. - J’ai un modèle en stock, vous pouvez partir avec, même. Seulement il est un peu plus cher. - Combien ? - 9500€. Pour une cylindrée de 90 chevaux. - Vous avez des possibilités de financement ?
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