Noé avait reçu comme il se doit, un peu avant l'ouverture de l'agence, Julien Saurier et Jean Claude Rabotin. Les poignées de mains avaient été cordiales. Rabotin avait le sourire. Et aucune rancœur apparente. Ils s'étaient installés dans le bureau de Noé après que le Directeur ait pu voir la salle se tiendrait le briefing. Tout allait bien. La conversation s'engagea sur le boulot de Noé. Le type s'intéressait à lui. A son agence. A son quartier. Même à sa vie. Affable. C'est le mot qu'il avait en tête en regardant et écoutant ce type. Une trentaine d'années bien tassées et un visage poupin se dessinait une fine barbe parfaitement entretenue. Le costume était de marque. La cravate aussi. Les chaussures, des baskets à la mode. Sans doute d'un grand couturier. Il sentait bon. Noé crut sincèrement en tout l'intérêt qu'il lui portait et son intérêt qui semblait profond, à la difficulté du poste de chef d'agence. Il lui fit même la confidence que son père avait terminé sa carrière comme chef d'agence dans le Val-d’Oise. Il était tombé dedans quand il était petit en sorte. Ils échangèrent encore un peu sur les statistiques de l'agence et sur les « réserves d'argent » des clients. il dit à Noé exactement ce qu'il voulait entendre. Attention Monsieur Ouédraougo, nous ne demanderons pas le même effort à toutes les agences. Soyez assurés que je sais quelle banque nous sommes. Une banque de particuliers. Et soyez sûr que nous le resterons. • Je vous avoue que ça fait du bien d'entendre ça. • Alors c'est parfait. Venez que je vous félicite en public. Saurier avait sortit de son sac un cadre Noé avait reconnu sa photo et, à l'américaine, le sceau du Crédit Populaire mettant un point à l'annonce de son titre de meilleur employé du mois. Il sortit aussi un lourd dossier. C'est à ce moment qu'il aurait demander. Demander ce que serait le briefing. Ce qu'il comptait annoncer à ses employés. Et pourquoi le briefing ne s'arrêtait pas à lui dans un premier temps. Erreur. Erreur fatale. Parce que, le cirage de godasses passé, la réunion tourna à l'humiliation pour Noé. Rabotin, si souriant et compassé dans son bureau, affichait maintenant un sourire de carnassier en ne lâchant pas des yeux Noé au fur et à mesure qu'il se tassait sur sa chaise. Pendant ce temps, Saurier expliquait en quoi le management dont ils étaient le produit allait changer. Fini le business à la papa. Fini les objectifs à atteindre. Il allaient être à la pointe. Et ils devraient voir leur chef d'agence uniquement comme une personne ressource. Parce qu'ils étaient, eux, les véritables forces vives de l'entreprise. Bordel. En plus de passer pour un fossile, Saurier le rangeait à l'équivalent d'une bibliothèque. Et la déferlante continua jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il leur dise qu'il devrait maintenant rendre des comptes à Rabotin. Jusqu'à ce qu'ils leur disent qu'ils allaient pouvoir travailler en toute autonomie. Jusqu'à ce qu'il leur parle de management direct. Jusqu'à ce qu'il leur donne sa carte en leur disant que c'était lui, leur directeur. Jusqu'à ce qu'il finisse par leur dire qu'à terme ils seraient leur propre directeur si leurs résultats le permettaient. Noé s'était redressé comme un diable sort de sa boîte et avait ouvert sa gueule comme tous les regards qui l'avaient oublié se tournaient vers lui. Messieurs, puisque dorénavant monsieur Saurier assurera votre management, je vous prie de m'excuser mais j'ai des livres à compulser. Vous savez me trouver pour toute questions ressources. Pour le reste Messieurs Rabotin et Saurier vous expliqueront les nouvelles modalités de fonctionnement de l'agence. Bonne journée messieurs.
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