L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
- Comment tu veux que je te le dises ? Tu as tort ! - Oui mais le gars il est louche. - Et voila, pour un arabe t’as le délit de sale gueule facile ! Tu m’énerves. Je vais courir. Quand je reviens t’as intérêt à avoir passé l’aspirateur, monsieur le physionomiste. Et elle était sortie sans même l’embrasser. Elle avait le sang chaud comme son frère par moment. Tempérament méditerranéen d’origine. Karim regarda l’aspirateur et se dit qu’il avait le temps. Il se fit couler un café et alla se poster sur le balcon. L’air était chaud en ce milieu d’après midi. Il aurait prendre un orangina. Il commença à siroter son café en repensant à ce que lui avait dit Aïsha. Le trafic de médocs sur le C.H.U. était réel. Mais pas institutionnalisé. Ce n’était que de la rapine. Ou plus exactement du racket. Des types venaient visiter leurs compatriotes et en échange de protection, les types leurs refilaient leurs traitements. D’où des types dont les toubibs mettaient du temps à comprendre leur non amélioration. Mais en aucun cas un pharmacien de l’hôpital dealait pour son compte. En aucun cas. Elle était formelle. Il regardait trop de films de gangsters. Ce qui était faux. Et elle le savait. Elle avait juste voulu lui dire qu’à force de voir le mal partout on s’imagine n’importe quoi. Oui. Il devait s’imaginer n’importe quoi. N’empêche que la gueule du pharmacien ne lui revenait pas. Et qu’il avait un paquet de questions dans la tête. Des questions qui n’étaient pas innocentes. A qui profitait ce trafic ? Où atterrissaient les médocs ? Comment étaient ils écoulés ? Pourquoi l’institution ne réagissait pas ? Pour cette dernière la réponse était dans la question. L’institution et son inertie empêchait une réponse rapide. Surtout si personne n’en faisait de cas ou s’y étaient habitués ou résignés. Comme Aïsha. Cela le blessa, le vexa même, de penser que Aïsha se soit résignée à ce que des patients vendent (ou donnent) leurs traitements au risque de finir encore plus malade. A croire que leur rôle était d’être à l’hopital et de refiler tout ce qu’ils pouvaient. D’ailleurs il n’avait aucune idée des médocs qui faisaient l’objet du trafic. Les opiacées de toute évidence. Pour les tox de la ville. Sans aucun doute. Qui d’autre voudraient des opiacées ? Et quoi d’autres aurait une valeur marchande ? Alors Aïsha avait raison. Il avait tort. Le pharmacien avait peut-être une sale gueule mais il n’y était pour rien. La délivrance de stupéfiants était tellement encadrée à l’hôpital que leur trafic ne pouvait être orchestré par des soignants. Combien de fois avait il vu sa cadre demander des comptes aux IDE pour un cacheton manquant ? Il ne pouvait plus les compter. Oui mais… Lui, il pouvait piper les comptes. C’était lui qui faisait le bilan. Et il lui avait donné facilement son calmant. Trop facilement ? - Putain, Karim ! Je te demande pas grand-chose bordel ! Elle était déjà revenue ? Son café était froid en tout cas. - Excuse moi. Je profitais de la douceur du temps. - Prends moi pour une conne. Demain tu vas t’excuser auprès de Paul, compris ? - Chef oui chef ! - C’est ça… je prends ma douche, t’as intérêt à ce que l’aspi soit passé dans la salle à manger.
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