L’ANTIDOTE
La terre oubliée
chapitres
>>
<<
Depuis 2017
ALC Prods
Le constat était sans appel. Sous ses ecchymoses, Stéphane voyait clairement la situation. Yvan, face à lui, semblait toujours ruminer ce qu’ils avaient subi. Faut dire qu’il y avait laissé plus de plumes. Un pneumothorax et une infection nosocomiale le laissait encore sous traitement antibiotique et le poussait à négliger son apparence. Sa casquette n’était qu’un souvenir et ses cheveux volaient de droite et de gauche au gré du vent matinal. - Qu’est ce que tu veux faire mon grand ? - Je sais pas trop. - Ca veut dire que t’a une idée derrière la tête. Tu sais que tu peux me faire confiance. - Ouais. Oui. Il avait bien une idée derrière la tête. Le problème c’est qu’elle avait du mal à se traduire concrètement. Le type d’ ATD Quart Monde avait été clair. Il ne fallait pas compter sur la solidarité au sein du camp. Comme sur leur envie de rester en France. Tous voulaient aller en Grande Bretagne. Parce qu’ils avaient de la famille. Parce que le business était plus facile à créer. Parce que l’herbe était plus verte ailleurs. Parce que, bas, il n’y avait pas de camp. Oui. La priorité était de rompre cette logique d’enfermement. Leur faire comprendre, plus, leur faire voir qu’il a y avait un avenir pour eux, ici, en France. - Il faut que je te laisse Yvan. Je dois faire un truc. - Un truc grave ? Je veux dire illégal ? - Non, un truc pour eux, pour ces types. - Tu sais où me trouver. - Oui. Va dormir Yvan. Embrasse Odette. - Comme tu veux. Yvan regarda son fils adoptif se pencher sur son portable et le porter à son oreille. Les dés étaient jetés. Il replia une énième fois sa mèche de cheveux et décida qu’il savait ce qu’il faisait maintenant. Odette le regarda avec des yeux inquiets quand il entra dans leur commerce. Il balaya ses doutes comme ceux de sa femme d’une main. - Il sait ce qu’il fait. Je vais prendre mes médicaments. Réveilles moi comme d’habitude à moins qu’il appelle. De son côté Stéphane avait déjà décroché un rendez vous dans l’heure avec sa chargé de soutien de la chambre des Métiers. Il ne prit pas le temps de rentrer dans son magasin. Ibrahim veillait. Les clients étaient et il s’en occupait bien. Un signe de tête suffit pour lui faire comprendre qu’il avait à faire et que le bouclard était à lui. Depuis le début, jamais il ne lui avait fait faux bond. Jamais il n’avait loupé un cours non plus. Un étudiant modèle. Le genre qui comprenait ce qu’il avait sous les pieds. Un chemin droit vers l’intégration. Difficile à savoir si cela venait de son attachement à lui ou à son parcours. En fait peu, importait. Il était là quand il avait besoin de lui. Et répondait toujours présent. Alors Stéphane, monta dans son nouveau berlingo et fonça vers la chambre de Métiers de la Vienne. Le temps de se garer et il était à peine en retard. Il s’annonça à l’accueil, patienta quelques minutes puis entra dans le bureau de Bruno Serclin. - Alors, Monsieur Peyroux, qu’y a t il de si urgent que je doive bousculer mon agenda ?
15