L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Jouvence jubilait. Au fur et à mesure que Ibrahim, fier comme un coq, et Stéphane chargeaient le berlingo, son sourire s’agrandissait. Il savait qu’il allait être accueilli comme un sauveur au camp. Il savait qu’avec ça, il allait pouvoir se concentrer sur l’essentiel. Il aurait un toit. Et de la nourriture. Il pourrait chercher du travail. Avoir son propre foyer. Une nationalité accueillante. Fonder une famille. Avoir des enfants. Et les voir grandir. Oui. Sa vie allait changer. Il le sentait. - Tu rêve la cure ? Aide moi donc avec le pain ! Yvan le tira de sa rêverie et lui colla une brassée de baguettes dans les mains. Elles étaient encore chaudes. Un Dieu. Il allait être un véritable Dieu. Puis il prit les pains au chocolat et les croissants et se demanda ce qu’il y avait de plus grand qu’un Dieu. Pour Stéphane la décision avait été évidente. Son stock tournait bien et il était arrivé à mieux le gérer. Il y avait pourtant toujours quelques invendus ou produits à la date de péremption passée. Des boites de conserves. Des produits frais. Ils n’étaient pas impropres à la consommation mais simplement impropres à la vente, principe de précaution oblige. Alors il en avait parlé la veille avec Yvan alors qu’il baissait son rideau et qu’Yvan venait le chercher pour prendre son café avant de se coller au fourneau. - Je crois que je vais faire une bonne action. - Encore ? - Comment ça encore ? - Tu passes ton temps à faire le bien et tu ne t’en rends pas compte...couillon t’es vraiment un type bien, fils. - Oui, bon, arrêtes la pommade et écoutes moi donc. - Vas y, je fais que ça. - J’ai décidé d’apporter mes produits périmés au camp de Jouvence. Yvan porta sa tasse de café à ses lèvres, sirota un gorgée et reposa sa tasse sans la moindre émotion. Stéphane était presque estomaqué. Lui le frileux qui passait son temps à lui dire de rester tranquille, de pas faire de vague, là, il le regardait et ne disait rien. Ne montrait rien, même. A croire qu’il commençait à s’habituer. - D’accord. Je fournis le pain. - Je te demande pas ça, t’as déjà du mal à finir tes mois, viens pas m’emmerd…. - Hop hop hop. Je t’arrêtes tout de suite. Tu te souviens de ce que je t’ai dis un jour sur comment que je suis arrivé ici ? - Je m’en souviendrais toujours. - Et bien, nous, on en était pas encore à être parqué dans des camps mais c’était guère mieux. Des taudis pleins de rats et de cafards, mal isolés et perdus au milieu de la violence et de la drogue. Et on volait nous aussi. Pour manger. Pour survivre. C’est parce que ma mère économisait tous les jours que j’ai pu commencer mes études. Elle en est morte. Dans la misère. Mais moi je m’en suis sorti. Un vrai miracle. Alors si on peut les aider à penser à autre chose que survivre et manger, je suis sûr que nous aussi on sauvera des vies. - Alors tu me suis. - Oui, fils. On s’y met demain ? - D’accord. Tu viens quand t’es prêt. - A demain fils. Maintenant, ils avaient confié les clés de leurs boutiques à Odette et Ibrahim ,Jouvence, recroquevillé dans un coin du Berlingo , jubilait. Oui. Ils venaient déjà de sauver une vie.
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