Jouvencejubilait.AufuretàmesurequeIbrahim,fiercommeuncoq,et Stéphanechargeaientleberlingo,sonsourires’agrandissait.Ilsavait qu’ilallaitêtreaccueillicommeunsauveuraucamp.Ilsavaitqu’avecça, ilallaitpouvoirseconcentrersurl’essentiel.Ilauraituntoit.Etdela nourriture.Ilpourraitchercherdutravail.Avoirsonproprefoyer.Une nationalitéaccueillante.Fonderunefamille.Avoirdesenfants.Etlesvoir grandir.Oui.Sa vie allait changer. Il le sentait.- Tu rêve la cure ? Aide moi donc avec le pain !Yvanletiradesarêverieetluicollaunebrasséedebaguettesdansles mains. Elles étaient encore chaudes.Un Dieu.IlallaitêtreunvéritableDieu.Puisilpritlespainsauchocolatetles croissants et se demanda ce qu’il y avait de plus grand qu’un Dieu.PourStéphaneladécisionavaitétéévidente.Sonstocktournaitbienetil étaitarrivéàmieuxlegérer.Ilyavaitpourtanttoujoursquelques invendusouproduitsàladatedepéremptionpassée.Desboitesde conserves.Des produits frais.Ilsn’étaientpasimpropresàlaconsommationmaissimplementimpropresàla vente,principedeprécautionoblige.Alorsilenavaitparlélaveilleavec Yvanalorsqu’ilbaissaitsonrideauetqu’Yvanvenaitlechercherpour prendre son café avant de se coller au fourneau.- Je crois que je vais faire une bonne action.- Encore ?- Comment ça encore ?-Tupassestontempsàfairelebienettunet’enrendspas compte...couillon t’es vraiment un type bien, fils.- Oui, bon, arrêtes la pommade et écoutes moi donc.- Vas y, je fais que ça.- J’ai décidé d’apporter mes produits périmés au camp de Jouvence.Yvanportasatassedecaféàseslèvres,sirotaungorgéeetreposasa tassesanslamoindreémotion.Stéphaneétaitpresqueestomaqué.Luile frileuxquipassaitsontempsàluidirederestertranquille,depasfaire devague,là,illeregardaitetnedisaitrien.Nemontraitrien,même.A croire qu’il commençait à s’habituer.- D’accord. Je fournis le pain.-Jetedemandepasça,t’asdéjàdumalàfinirtesmois,vienspas m’emmerd….-Hophophop.Jet’arrêtestoutdesuite.Tutesouviensdecequejet’ai dis un jour sur comment que je suis arrivé ici ?- Je m’en souviendrais toujours.-Etbien,nous,onenétaitpasencoreàêtreparquédansdescampsmais c’étaitguèremieux.Destaudispleinsderatsetdecafards,malisoléset perdusaumilieudelaviolenceetdeladrogue.Etonvolaitnousaussi. Pourmanger.Poursurvivre.C’estparcequemamèreéconomisaittousles joursquej’aipucommencermesétudes.Elleenestmorte.Danslamisère. Maismoijem’ensuissorti.Unvraimiracle.Alorssionpeutlesaiderà penseràautrechosequesurvivreetmanger,jesuissûrquenousaussion sauvera des vies.- Alors tu me suis.- Oui, fils. On s’y met demain ?- D’accord. Tu viens quand t’es prêt.- A demain fils.Maintenant,ilsavaientconfiélesclésdeleursboutiquesàOdetteet Ibrahim ,Jouvence, recroquevillé dans un coin du Berlingo, jubilait.Oui.Ils venaient déjà de sauver une vie.