L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Bien qu’il ait les mains liés et que l’odeur de merde s’avérait persistante, Noé se sentait serein. Le type propre sur lui ne lui avait à peine laissé le temps d’atteindre son bureau. Il l’avait cueilli sur la Place Coïmbra avant qu’il n’entre dans l’agence. Son visage était dur. Sa poigne aussi. Noé eut l’impression qu’il lui broyait l’avant bras. - Vous ne m’avez pas écouté M. Ouedraougo. Je vous avais pourtant dit de ne parler à personne. - Je n’ai parlé à personne. - Parce que le commissaire de la ville est personne ? - Je ne vois pas ce que vous voulez dire. - Vous allez voir. Oui. Vous allez comprendre. Par la baie vitrée de l’agence, Jocelyne voyait tout. Elle avait déjà le téléphone à l’oreille, prête à appeler les secours. Noé lui fit signe de ne pas aller plus loin. Il la vit alors raccrocher le téléphone et s’avancer. Il lui fit a nouveau non de la tête et vit sa silhouette se confondre avec la baie. Tout était flou maintenant. Pour eux. Pour lui. Mais pas pour ses filles. Elles ne pouvaient être plus en sécurité. Elles étaient avec le commissaire Monchaud qui les avaient confié à sa fille. Sa fille qui avait bien changé. Qui avait compris qu’on ne change pas le monde comme de programme télévisé. Oui. Il ne leur arriverait rien. - Vous rêvez monsieur Ouedraougo ou quoi ? Montez ! Noé baissa la tête et monta dans le break peugeot et sentit ses liens se resserrer comme l’homme de main qui se trouvait maintenant à côté de lui s’en occupait. La Peugeot s’engagea alors sur l’avenue de l’Europe direction le sud. Il vit les maisons défiler puis quand Saint Benoit fut passé sa tête ne vit plus rien comme le lascar du dealer lui mettait un sac sur la tête. L’homme qui parlait français comme n’importe quel résident de ce pays commença alors à lui parler. Et c’était très intéressant. Mieux, c’était précieux. - Mes affaires viennent de prendre un tour plus que favorable, Monsieur Ouedraougo. Ne prenez pas cela pour un séquestration. Dites vous plutôt que c’est un rendez vous d’affaires. - C’est pour ça que j’ai un sac sur la tête. Tout le monde sait se trouve le camp de migrants. - Mais je ne vous emmène pas là, Monsieur Ouedraougo. Pas du tout. - Où m’emmenez vous alors ? - Là où les affaires se font. Vous comprendrez. - Je crois que j’ai déjà compris. - Non, non. Pas du tout. Vous ne comprenez rien Noé. Vous permettez que je vous appelle Noé ? - Rien à foutre. - Bien. Noé sentit la voiture ralentir et la route devenir chaotique. Il entrait sur la dernière ligne droite. Puis le sac lui fut enlevé. Et il découvrit une tente grande comme un appartement avec cinq feux tout autour et plusieurs automobiles derniers cris garées un plus au sud. Un campement clandestin. Lui qui s’attendait à pouvoir retrouver Karim ou Stéphane ou l’un des types d’ATT Quart monde, c’était râpé. - Après vous. Les mains libérées, Noé sortit de la peugeot et fut pris par le bras par l’homme de main et accompagné sous la grande tente. Il eut le temps de voir plusieurs tentes « deux secondes » plantées hiératiquement tout autour. De lieux de consommation de toute évidence. Et plus au sud, une aura brillait dans la nuit noir. Le camp de réfugiés. Aussi sûr qu’il allait y rester s’il ne trouvait un moyen de se faire la malle. Une fois sous la tente il mit un peu de temps à s’accoutumer à la lumière. Le temps que le dealer lui explique où il se trouvait. - J’ai quelqu’un à vous présenter Noé. - Karine ? - Oui ! Que diriez vous d’un réunion de famille ? Karine se rua sur lui et l’enlaça comme il ne pouvait plus s’y attendre. - Ils t’ont fait du mal ? - Non et toi ? - Non. Les filles ? - En sécurité. - Fais ce qu’ils veulent je t’en prie. Pour nos filles. Leur messe basse fut interrompue par le gaillard qui ne l’avait pas lâché depuis la place de Coïmbra. - Bon, Noé. J’ai du nouveau. - Du nouveau ? - Oui. J’ai un nouveau filon. Un filon juteux. Et inoffensif. Alors ma question est simple et réclame un réponse tout aussi simple et clair. Êtes vous disposé à me permettre de faire du business en toute transparence ? - Plutôt crever.
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