L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Le temps était passé comme une urgence. Les choses avaient été actées dans l’instant. Les acteurs désignés en un claquement de doigt. La stratégie était déjà établie de toute façon. Et ils leur revenaient à Karim comme à Stéphane de finir ce qu’ils avaient commencé. Ainsi, juste après le coup de fil de Ibrahim, se retrouvaient ils dans la 3008 de Favreau à rouler à tombeau ouvert. - Bon. On répète une dernière fois. - Stéf et moi on rentre dans le camp avec Ibrahim et on emmène l’imam. - Bien. Ensuite. - Ensuite on sort du camp sans se faire remarquer et on vous retrouve direction la forêt de moulières - OK. Si jamais quelqu’un vient vous en empêcher, quelle approche ? - Frontale. - Parfait. Monchaud, à côté de Favreau sur le siège passager ne pipait mot. Il apprenait en fait. Il apprenait et il observait. Deux ou trois fois Karim croisa son regard dans le rétroviseur. Tous les deux étaient déterminés. Karim parce qu’il était allé trop loin et que c’était sa seule chance de renverser la situation. Monchaud parce qu’il n’attendait qu’un seul signe de faiblesse pour l’éjecter et l’inculper. Simple. Limpide. Mortel. Bientôt ils aperçurent la forêt proche de Queaux et la lumière des feux du camp de réfugiés. Karim eut envie de demander pourquoi ces migrants n’étaient pas traités comme ceux du Formule 1 de Poitiers sud mais il se ravisa. Cela ne changerait rien à ce qu’ils devaient faire. Et ce n’était pas le moment de s’interroger sur la légitimité de mettre des migrants à un endroit propre et chauffé et d’en laisser d’autres dans des conditions dignes d’une jungle. - Ibrahim est là. - Nous aussi. Favreau stoppa aussi brutalement son 3008 qu’il avait roulé à un demi kilomètre de l’entrée du camp. Il regarda une dernière fois ses deux soldats qui n’en étaient pas et inclina la tête avec son sourire rassurant. « Allez y les gars, je suis et je vous couvre ». Il ne leur en fallait pas plus. Une fois à l’extérieur du véhicule le froid les saisit en premier, avant l’odeur âcre du bois humide qui a du mal à se consumer. Il marchèrent tous les deux dans la pénombre de l’orée du bois jusqu’à arriver devant le camp. Ibrahim se tenait à une bonne dizaine de mètres d’eux maintenant et leur intima l’ordre de s’arrêter et d’enlever doudoune et chaussures griffés. Ils s’exécutèrent. Ils étaient des migrants maintenant. Et c’était pour le moins inconfortable. - Suivez moi. Il est là bas. La dernière prière vient de se finir. - Protection. - Aucune. Ou tous si vous préférez. Les choses s’annonçaient donc tendues. Ils ne pouvaient se fier à personne. Et à vrai dire tout ce qu’ils espéraient c’était que les sbires de Mesraoui soient sur leur palace. Et que personne ne puissent les reconnaître. Jusqu’à l’entrée de la tente de l’imam se fut le cas. Puis tout partit en couille. - Stéphane !?! Eh Stéphane ! Je un ami Jouvence. il est maintenant. Tu m’aides ? Stéphane ! Bordel. Le boucan de ce type résonnait encore plus fort aux oreilles de Stéphane et Karim qui avaient l’impression qu’ils étaient maintenant le centre d’attention de tous les réfugiés du camp. Ibrahim se mit à parler dans sa langue et le type se calma direct mais déjà l’Imam était sorti de sa tente et commençait à parler aux trois gorilles qui se dirigèrent immédiatement vers eux. Leur sort en était jeté. Il attaquèrent les premiers et ce fut leur chance. Une fois les trois types par terre, ils réussirent à attraper l’imam avant qu’il ne disparaisse dans le maelström de tentes qui jouxtaient sa demeure de privilégié. - Viens là fils de pute ! - Il ne parle qu’arabe. - T’es sûr que c’est lui ? - Non. Mais je sais ce que je fais. Faites moi confiance. Patron faites moi confiance comme je vous ai fait confiance. Ils sortirent leurs couteau et renfilèrent leurs jordan et se mirent à courir. Tout le camp était plongé dans une telle stupeur, avec les trois hommes forts du chef spirituel du camp la gueule dans la terre, qu’ils ne mirent pas plus de deux minutes pour s’extirper du camp. L’imam beuglait tout ce qu’il savait. Eux ne comprenaient rien. Mais au vu du visage de Ibrahim ils comprenaient que c’était pas bon. Pas bon du tout.
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