L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Karim ne voulait pas s’arrêter de courir. Pas encore. Il venait à peine de passer la Grand Rue. Autant dire qu’il était encore tout près. Tout près du cadavre de Hicham Mesraoui. Et dire qu’il avait voulu arriver en avance. Si seulement il ne s’était pas écouté. Si seulement il avait fait poireauter cette raclure. Oui. Si il l’avait fait attendre, il n’aurait pas vu son assassin. Bordel de merde. Tout le monde sur le camp de réfugiés savait qu’il avait rendez vous avec Karim. C’était le plan. Là. Aujourd’hui. Le confondre. Le prendre en flagrant délit. C’était ce que Monchaud et lui avaient décidé. Bordel. Le pire c’est qu’il courait à l’exact opposé de son domicile. Le stress sans doute. Ou le bon sens. Parce que leurs regards s’étaient croisés. Le sien et celui de l’assassin. Merde. Il n’aurait pas dû faire demi tour. Il n’aurait pas dû se mettre à courir. Il aurait dû balancer la farine dans le Clain. Après être passé sans réagir aux coups de feu. De pétards tirés dans la cour du collège. Rien d’autre. Juste augmenter le volume du walkman. Et puis passer le porte de Paris. Regarder dans les écrans publicitaire en se servant du faux jour. Et constater que personne ne faisait attention à lui. Alors, là, se mettre à courir. C’était cela la bonne stratégie. Le meilleur moyen de s’en sortir. Maintenant il ne pouvait même pas appeler Aïsha. Parce qu’elle serait en danger. Pas la peine d’appeler la police. Elle était déjà sur place. Il avait vu les bolides foncer tout gyrophares allumés et sirènes hurlantes. Il croit même qu’il y avait la 208 de Monchaud. Mais il n’en était pas sûr. Ses cuisses avaient viré au béton armé et ses poumons à la forge de Hadès. Et il venait juste de passer la rue du faubourg du Pont Neuf. Il fit demi tour au petit trot et se planqua sous le pont . Deux sorties. Deux entrées à surveiller. Ca limitait les possibilités. Dans un sens comme dans l’autre. Il ouvrit son sac et goba deux gélules de sucre emballées dans des capsules d’Oxynorm. Il en avait besoin. De l’énergie. Cela lui prit bien dix minutes pour qu’il reprenne son souffle et des cuisses à nouveau de fibres musculaires. Tout comme il lui avait fallu ça pour reprendre un semblant de lucidité. Ce n’était dans l’intérêt de le tuer. Ce n’était dans l’intérêt de ce genre d’individu de se montrer. Il n’était pas une proie. Il serait une victime collatérale au pire. Si jamais Karim devait à nouveau croiser leur route. En le revoyant, sa silhouette, son regard, son visage comme gravés dans ses rétines, il comprenait mieux pourquoi le pharmacien lui avait dit de ne pas se foutre dans ce merdier. Oui. Et il aurait l’écouter au lieu de chercher à coincer des dealers comme on décide de se mettre au crochet. Il jouait au basket. Il avait une femme, une maison,un boulot, des amis. Mais bordel qu’est ce qu’il lui était passé par la tête ? Il connaissait la réponse. Comme il savait ce qu’était réellement le merdier dont lui avait parlé son collègue. Ce qui voulait dire qu’il n’avait qu’une destination. - Allô Maurice ? - Mon p’tit ! Comment ça va ? Tu sais que t’es devenu une vraie star au Vigeant. Tout l’monde te cite en exemple. Ils ont même dit qu’ils allaient nettoyer le carré de tes parents. Qu’est ce qui t’amènes ? - Des emmerdes comme d’habitude. - Faudrait que ça te passe ça mon p’tit. T’as une jolie femme intelligente faut que tu en prennes soin. Tu sauveras jamais le monde mon couillon.
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