L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
L’imam était solidement rivé au canapé déplumé du sous sol de Hakim. Un bâillon étouffait ses protestations. Sur ses écrans, Hakim suivait les mouvements des migrants. Autant de petits points verts et bleus qui semblaient se rassembler sur la mosquée de fortune. Quelque chose se préparait. Quelque chose allait arriver. Et tout laissait à penser que ça n’allait pas leur plaire. Pas leur plaire du tout. Karim et Stéphane se faisaient couler un café. Comme pour souffler un peu, gardant un œil sur cet homme qu’ils avaient enlevé. Leur café coulé, ils le rejoignirent. Lui et aussi Favreau et Ibrahim. Pas besoin d’avoir suivi le début de la conversation pour savoir ce qu’ils évoquaient. - Tu me dis que les gorilles de l’imam ont assassiné Mesraoui et le gamin ? Pourquoi ? - De manière indirect à cause de Karim. Il leur a fourgué de la dope. Enfin de la farine. Et ils s’en sont aperçu. A partir de ce moment, Mesraoui était mort. Et le corridor une idée mort née. - C’est vrai ça Karim ? Vous leur avez refilé de la farine ? De la farine à la place de la morphine ? - Absolument. Et Monchaud devait nous prendre en flagrant délit sur le terrain de basket du Jardin des Plantes. Mais Mesraoui est mort avant. Exécuté. - OK. Bon. Lui je comprends mais le corridor, c’est quoi cette histoire, Stéphane ? - C’était le deal. Mesraoui fournissait des personnes qui souhaitaient sortir du camp pour s’installer ici en échange de sa liberté de trafiquer. Et de papiers. - Pourquoi s’est il fait exécuté celui là ? - Je sais pas. Pour montrer qui commandait. Et qu’on ne leur échappait pas. - Ca se tient. Ibrahim, qu’est ce que tu as appris de plus ? - Que le fric, Mesraoui n’en voyait que les miettes. C’est pour ça qu’il s’est mis de mèche avec Stéphane et Karim. Pour pouvoir se libérer. - Où va l’argent alors ? - Chez lui. Ibrahim pointa du doigt l’imam qui stoppa net ses protestations. Il remua ses fesses, comme mal à l’aise. Ainsi il comprenait le français. En tout cas suffisamment pour avoir saisi leurs propos. Favreau se leva et lui enleva le bâillon. Il leur devait une explication. - Je vais pas tourner autour du pot. A quoi vous sert cet argent ? Le type se mit à brailler en arabe de plus en plus fort en se remuant de plus en plus fort jusqu’à ce Hakim se lève et se mette lui aussi à beugler en arabe faisant taire l’imam pour finir de lui dire en français qu’il valait mieux qu’il vide son sac. L’imam sembla s’affaisser. Et s’exécuta. - L’argent, elle sert à nourrir les familles. - Quelles familles ? - Les leurs, celles du pays. Le corridor il existe mais pas comme vous le pensez. Vous savez la guerre. La violence. La persécution. Tout cela on fuit. Mais ceux qui restent meurent si on les aide pas. - Et la dope à qui vous la vendez ? L’imam se referma aussi vite qu’il s’était ouvert. Favreau venait de mettre le doigt sur tout ce qui sous tendait la vie du camp. Ils ne vendaient rien. Ils fournissait ces médocs à quelqu’un. Et les gorilles devaient être de ceux là. Favreau détacha les mains et les pieds de l’imam et lui proposa quelque chose à boire. - Un thé à la menthe ? - Je veux bien. Choukrane. - Je suis désolé de la manière dont on vous a traité. Nous ne soupçonnions pas que vous étiez aussi une victime. Mais maintenant il va falloir nous faire confiance, ok ? - OK. - Alors expliquez nous un peu comment s’organise la vie sur ce fichu camp.
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