L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Noé regardait son interlocuteur et ne comprenait pas vraiment ce qu’il lui demandait. Ou plus exactement pourquoi il lui demandait. Le type s’était présenté à l’ouverture. Un algérien d’une quarantaine d’années. Rasé de près et propre sur lui. Un type des Couronneries par excellence. Noé s’était demandé pourquoi il avait demandé à être reçu par lui. Ziad et Jérôme s’occupaient généralement de ce genre de client. Sans doute avait il besoin d’infos. Le type avait accepté le café que Noé lui avait proposé et s’était assis avant qu’il l’invite à le faire. Bizarre. Ensuite il avait sorti un dossier, enfin une chemise cartonnée fine comme une feuille de cigarette. Et il en avait simplement sorti une feuille. Il l’avait lu, en silence, Noé émergeait gentiment de son côté et sirotait son café sans rien en tête. Le type avait ensuite posé la feuille sur le bureau et l’avait tournée et poussée vers Noé. Elle parlait de l’afghan qu’il avait reçu quelque temps avant. Bizarre encore. - Oui, quel est le problème ? - Ce monsieur n’a pas de papier. Pourquoi vous lui avez ouvert un compte ? - Parce qu’il avait d’autres garanties. - Et l’argent, vous savez d’où il vient ? - Je comptais sur vous pour me le dire. - De l’exploitation de l’homme par l’homme. - Pardon ? - Votre gentil migrant rackette les migrants du camp de Queaux. Et se construit un joli pactole. - Quoi ? Voilà pourquoi Noé n’était pas sûr de comprendre. Ou plus exactement il ne voulait pas comprendre. A choisir il aurait fait cent fois plus confiance à l’afghan qui s’était pointé avec sa bouille de mangeur de galettes et ses vêtements dépareillés qu’à ce type qui semblait trop propre. Il y avait quelque chose de louche dedans. Noé décida de voir s’il était celui qu’il pensait. - Notre banque n’a pas le pouvoir de fermer des comptes crédités sans acte administratif ou décision de justice. Je ne peux rien pour vous. Et je peux savoir comment vous avez eu ces informations ? - Ecoutez, je travaille dans le camp. Je fais en sorte que les gens de ce camp puisse décider de leur futur. Je lutte contre ce type de personnes qui maintiennent les autres dans l’embarras. Et j’ai des oreilles partout. - Je vois, je vais voir avec ma hiérarchie mais je ne peux rien faire pour le moment. Si vous me laissez vos coor… - Je ne vais rien vous laisser si vous vous entêtez, M. Noé Ouédraougo, 17 bis, avenue de l’Europe à Poitiers 86. Rien du tout. - Pardon ? - Faites ce que je vous dis ou l’école Andersen aura deux élèves en moins dans 48 heures. - Vous me menacez ? - Non. Je vous informe. - Et vous me dites que vous êtes du bon côté de la barrière ? J’ai bien plus confiance en l’afghan que vous. Mafieux. - Je me fous de votre jugement. Vous n’avez aucune idée de ce dans quoi vos avez mis les pieds. Je tenais à vous avertir. Bonne journée. Le type n’avait pas attendu qu’on lui donne congé. Il avait disparu sans que Noé n’arrive même à le voir sur la place. Il regarda l’heure et se dit qu’il était trop tôt pour appeler Rabotin. D’ailleurs cela ne relevait pas de Rabotin. Cela relevait de la police. Il appela Jocelyne pour lui dire qu’il sortait et fit la dizaine de mètres qui le séparait du commissariat des Couronneries . Merde. On venait de menacer ses filles. Qu’est ce que c’était que ce bordel ?
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