L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Ils ne s’étaient pas arrêtés chez Yvan. Pas même aux Couronneries. Cela avait été le commissariat central. Et le commissaire Monchaud. Là, il avait cru que les choses allaient se durcir pour lui. Genre une de ces salles glauques qu’il avait déjà connu avec les menottes et tout le toutim. Mais non. Il était entré dans le bureau du commissaire et l’inspecteur les avaient laissé. Monchaud l’avait invité à s’asseoir et avait fait couler deux espresso. Puis il avait entamé l’interrogatoire sous la forme d’une simple conversation. - J’ai déjà reçu votre ami Noé Ouedraougo. Ses filles sont sous surveillance. Menacés par les mêmes personnes qui vous ont envoyé à l’hôpital. Comment allez vous d’ailleurs ? - Bien mieux. J’ai encore quelques douleurs intercostales mais ça va. - Bien, bien. Tant mieux. Allez dites moi tout. Vous y êtes retourné c’est ça ? Stéphane commença par le début. La volonté de ne froisser personne. Et la rencontre avec Hicham Mesraoui. Puis les arrangements avec Noé et Karim pour lui permettre de sortir du camp en obtenant des papiers. Le deal étant que si lui avait des papiers, il devait informer les communautés du camp que ceux qui voulait s’installer à Poitiers auraient une main tendue. Et qu’il avait attendu ce matin deux migrants pour les orienter vers des entrepreneurs selon leurs capacités. Cela leur permettait de pouvoir bénéficier d’un contrat d’apprentissage, d’un peu d’argent et surtout d’accélérer leur prise en charge comme réfugié dans un premier temps. L’objectif étant de les intégrer jusqu’à ce qu’ils deviennent citoyens français. Seulement quand il était arrivé ce matin, et bien, le commissaire connaissait la suite. - Autrement dit la première semonce ne vous avait pas suffi. Il fallait que vous y retourniez. - Pardon ? - C’est une zone de non droit, Stéphane. Même nous on y fout pas les pieds. La gendarmerie en chope quelques uns de temps en temps . Et elle finit toujours par les ramener dans le camp. La République ne veut pas de ces personnes. Trop inconnues. On ne sait pas de quoi il sont capables. Enfin, on ne savait pas de quoi ils étaient capables. A cause ou grâce à vous, on le sait. Tout ce que je vous demande c’est de ne plus vous approcher de ces gens. Et je vais ordonner aux bleus de passer régulièrement vous voir. Vous êtes maintenant une cible Stéphane, est ce que vous comprenez ce que cela veut dire ? - Je crois oui. - Alors agissez en conséquence. - Et pour mon projet ? - Votre projet ? Quel projet ? - Ouvrir un corridor. Cela peut se faire quand même. Il suffit de faire passer le message aux associations humanitaires présentes sur le camp. Vous devriez essayer de voir Icham Mesraoui. Il vous expliquerait un peu comment tout s’organise la dedans. C’est un des chefs, j’en suis sûr. Un sourire se greffa sur le visage du commissaire aux dernières paroles de Stéphane. Il finit son espresso, reposa la tasse et s’enfonça dans son fauteuil en croisant les mains. il planta son regard d’acier droit dans celui de Stéphane. - Icham Mesraoui, un des chefs du camp, c’est ce que vous me dites ? - Oui. Pas quelqu’un de très fréquentable mais il a une certaine autorité. Ça peut être un atout. - Un atout ? - Oui. - Et bien votre atout a été retrouvé mort ce matin d’une balle dans la tête et de deux dans le cœur sur le terrain de basket du Jardin des Plantes. - Oh putain. - Certainement une exécution mafieuse quand on voit le mode opératoire. Vous comprenez maintenant pourquoi je ne veux plus vous voir bas. Et que je ne dirais rien aux associations. Parce que je ne veux pas avoir votre mort ou la leur sur la conscience.
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