L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Stéphane avait tous les papiers. Il avait toutes les idées. Il avait même des alternatives. Tout ce qui lui manquait c’était un interlocuteur. Ce coup ci il ne s’était pas pointé la fleur au fusil. Il avait enfilé sa tenue en polyuréthane et plaqué sa matraque contre sa cuisse gauche. Le monde était tellement à l’envers dans cette zone de non droit qu’il passait inaperçu. Sûrement les fringues qu’ATT Quart Monde lui avaient refilé semblait il lire dans le regard de ceux qui osait lever les yeux vers lui. Le type qui l’avait accueilli lui avait dit que le patron était occupé. Qu’il allait arriver. Stéphane avait demandé si il pouvait attendre dans sa tente. Le type lui avait souri. Stéphane avait compris. Le patron ne logeait pas sur le camp. Il avait alors décidé de se promener. Grimé comme il était il ne craignait rien. Il crut bon de sortir sa matraque à l’approche de la mosquée. Bonne idée. Seulement il ne pipa pas un mot. La prêche était en arabe ou un langage cousin. Tout ce qu’il vit c’était la sérénité. Certainement pas une prêche de va-t-en guerre. Il arrivait doucement vers les stands de l’administration française lorsque le lieutenant du patron lui dit que c’était bon. Que le patron était libre. Stéphane serra un peu plus fort son dossier et se remémora ce qu’il voulait obtenir. Pas la libération de tous. Pas la paix. Pas l’abrogation de la loi du camp. Juste la proposition d’opportunités. Concrètes. Palpables. - Alors cette fois-ci, vous vous êtes habillé !?! - J’ai pris mes précautions, on va dire. Stéphane vit que l’homme semblait particulièrement ouvert et heureux. Sans doute un bonne recette pour le mois. C’était sa chance. Il le suivit jusqu’à sortir du camp. Première alerte. Il serra un peu plus fort sa matraque comme deux autres molosses les escortaient maintenant. Alors qu’il traversait un bois, Stéphane voyant se dessiner les contours d’un autre camp plus petit, le dealer reprit la parole. - Alors qu’est ce que vous voulez faire comme connerie maintenant ? - Aucune. - C’est un bon début. Allez, entrez dans mon humble demeure. La tente, à la manière des yourtes mongoles possédait un poêle à la chaleur surpuissante en son centre et des tapis étalés autour, des coussins les recouvrant. Il vit que des femmes voilées s’affairaient chacune leur tour sur le coin ouest. Sans doute les cuisines. Dans un coin plongé dans l’ombre il vit un grand black qui avait du mal à se relever. Un client de toute évidence. Le dealer l’entraîna sur le tapis le plus cossu avec fauteuils et table et lui ouvrit le bras. - Je vous écoute. - Alors voila, je ne vous demande pas de changer votre manière de faire mais d’apporter une corde à votre arc. - C’est-à-dire ? - J’ai des garanties de certaines institutions françaises pour faciliter l’obtention de papiers de certains de vos réfugiés qui souhaiteraient ne pas pousser le voyage plus loin ainsi que la possibilité d’obtenir plus rapidement des papiers français. Ce qui veut dire européen. Pour ça, je vous demande juste de leur en parler. Et de dire à vos gars de leur en parler. Après vous me les envoyez et je gère tout le reste. - Je vois. Et je gagne quoi moi là dedans ? - Ce que vous y gagnez ? Une certaine tolérance de la part des force de l’ordre de la Vienne. - Ils vont plus me faire chier si vous avez des gars qui passent chez vous ? - C’est ça. Plus vous nous aiderez à rendre viable et visible ce corridor plus vous vous attirerez les bonnes grâces de la République. Le dealer enleva ses lunettes et plongea ses yeux verts dans ceux de Stéphane. Il le sondait. Il voulait savoir si ce n’était pas un piège. L’opération ne dura que le temps de le dire puis les lunettes fumées revinrent masquer le regard du dealer. Et un sourire de carnassier vint barrer son visage. Stéphane eut l’impression que quelque chose venait de lui échapper. Quoi ? Sans doute la vérité une fois encore.
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