L’ANTIDOTE
La terre oubliée
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Depuis 2017
ALC Prods
Karim ne dormait plus très bien depuis quelques temps. Il faisait cauchemar sur cauchemar à vrai dire. Le toubib lui avait dit que c’était normal. Qu’il pouvait prendre un livre pour se changer les idées. Mais à chaque fois, il avait l’impression de sentir la merde dans son salon. Alors il sortait. Et sentait encore l’odeur de ses meubles carbonisés. Aïsha se montrait beaucoup plus résiliente. Sans doute parce qu’elle avait la foi. Elle avait tenté de lui parler de son Dieu. Du bienfait de la prière et de la méditation. Ça n’avait pas marché. Pas totalement. Elle avait réussi à le convaincre de garder l’appartement. Ils avaient utilisé les fonds qu’ils avaient perçu pour poser un porte blindée et acheter un énorme canapé d’angle. Mais il avait toujours cet odeur dans le nez. Et la fatigue qui s’accumulait. Alors il avait commencé à prendre quelque chose, comme on dit. D’abord juste le soir, comme lui avait dit Romain, son binôme infirmier. Du lexomil . Puis il avait pris du lexomil avant d’embaucher. Puis au réveil. Si bien que Romain lui avait dit d’arrêter. Et lui avait donné de l’Atarax à prendre au coucher. Ca avait marché. Une semaine. Alors il avait repris du lexomil avec l’atarax. Et ça marchait depuis. Sauf qu’il était toujours à deux de tension. Un vrai mollusque. Aujourd’hui, les urgences étaient redevenues ce qu’elles étaient avant le COVID. 80 % de petits bobos. 20 % d’urgences vitales. Il était en train de prendre la tension à une dame de 75 ans qui avait fait un malaise sur le marché des Couronneries. Il ne parlait pas. Elle parlait pour lui. Mais il était tellement abruti qu’il ne comprenait rien. Une main sur son épaule l’arracha carrément à sa situation. Corinne, la cadre. Merde. - Bordel, vous avez les portugaises ensablées Jaïsh, on a besoin de vous au déchoc’ ! Attendez… Vous êtes ivre ! - Non, juste fatigué. - C’est ça. Stéphanie ! Au déchoc’, Jaïsh avec moi. Elle n’avait jamais réussi à l’appeler par son prénom. Elle avait toujours été particulièrement retors par contre. Elle l’attira dans les lits portes et sortit un alcootest. - Soufflez ! Karim s’exécuta comme un bon mouton. L’alcootest resta négatif bien sûr. Elle prit une feuille alors et rédigea un mot qu’elle scella dans une enveloppe. - Allez ouste à la médecine du travail ! - Maintenant ? - Après votre service quand même et allez voir Romain qu’il vous donne du Guronsan. Reprenez vous Bon Dieu ! Je sais que vous avez traversé quelque chose de difficile mettez votre énergie dans le travail plutôt qu’à ruminer, Jaïsh, vous me ferez plaisir. Allez prendre la place de Stéphanie. Allez ! Mettre son énergie dans le boulot. C’était vraiment un truc de cadre. A parier qu’on leur apprenait à l’école. Combien de fois l’avait il entendu de la part de mauvais cadres qui disaient ces paroles cassantes à des aides soignants et des infirmiers au bout du rouleau ou en train de pleurer. Mais lui s’en foutait à cet instant. Parce que de l’énergie, il n’en avait plus. Il prit sur lui de se passer de l’eau froide sur le visage cela le détendit plus qu’autre chose. Il alla alors au déchoc’ on lui dit qu’on n’ avait plus besoin de lui. Il demanda était Romain, personne ne put lui dire. Alors il s’avança vers le bureau de l’interne en pharmacie. Sur le chemin il baissa les yeux devant un molosse afghan ou irakien qui sortait du bureau de l’interne et frappa à la porte. Quand on lui dit d’entrer, il vit clairement l’interne refermer et planquer à la va vite une enveloppe. Bizarre. Mais pas plus que le reste de sa vie depuis qu’il se shootait pour trouver le repos. - Bonjour, j’aurais besoin de guronsan
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