Aîsha semblait aimer l'endroit. Une vaste couloir large comme une chambre à coucher. Occupé par un zinc et encombré par des tables. Il y faisait frais. Elle n'avait pas décliné lorsqu'il lui en avait parlé. Comme elle n'avait pas répondu à sa dernière requête. Il comprenait qu'avec elle les choses se feraient dans l'ordre. C'était peut-être mieux ainsi. Il leva le bras et Arlette leur apporta leurs cannettes d'orangina. Elles étaient fraîches. Sans doute commençait elle à s'habituer à sa présence. A cette heure ils étaient les seuls dans le troquet. Et Arlette se révélait pouvoir être aussi discrète qu'un fantôme. Ils étaient seuls. Complètement. • Comment vont les urgences ? • Elles souffrent. • Comme d'habitude. Ouais, comme d'habitude. Dis moi. Pourquoi ? Pourquoi ce nouveau look ? • Il te plaît pas ? Si, si, au contraire, mais, je me disais, par rapport à tes croyances... Mes croyances sont une affaire personnelle. Plus, elles sont une affaire intérieure. • Qu'est ce qui t'es arrivé ? Karim vit le regard d'Aïsha virer au rouge lacrymal. Quelqu'un était la cause de tout cela. Quelqu'un de pas sympa. Un ennemi. Il allait lui demander sans fioriture lorsque la cloche de la porte d'entrée résonna. Arlette leva la tête des verres et Aïsha déporta la sienne vers la porte. Lui restait fixé sur elle. Et sur ce qu'il s'imaginait. Peu importe qui entrait. Il voulait savoir. Savoir pourquoi elle semblait plus...radicale. Et moins pieuse. Seulement l'entrant était pour lui. • Stef. • K. • Comment tu m'as trouvé ? • Le rapport d'autopsie de mon père. • Qu'est ce que je peux faire pour toi ? • J'aurais besoin que tu passes au maga. • Quand ? Stéphane tira une chaise d'une table et vint s’asseoir entre lui et Aïsha. Il demanda ensuite à Arlette un demi et se racla la gorge. Ça ne sentait pas bon. Je vais devoir m'absenter. Je sais pas combien de temps mais il va falloir que je parte pour au moins une semaine. En disant ça, ses yeux brillaient comme s'il venait de recevoir le cadeau de Noël qu'il attendait. Karim voulut en avoir le cœur net. • C'est la lettre de ton père. Oui. Oui, figure toi que j'ai une famille. A Francfort. Une belle mère, un demi frère et une demi sœur. Il faut que je les rencontre. Peut-être que... Peut-être que je Peu importe je veux les voir. Tu pourrais passer alors ? Pas tous les jours mais au moins deux fois dans la semaine, histoire de montrer que le lieu n'est pas abandonné. • Sûr. Tu peux compter sur moi. Karim avait du mal à reconnaître son pote. Il semblait aussi jeune qu'un gamin de douze ans à qui un inconnu au visage avenant venait d'offrir une sucette. Il n'y avait aucune forme de retrait ou de recul par rapport à sa situation. Encore moins de vécu pour tempérer cette bénédiction trop belle pour être vraie. Son pote devait avoir eu réellement mal. Réellement mal de passer de famille en famille sans que jamais aucune ne soit la sienne. Comme le contenu de la lettre devait être particulièrement touchant. • T'es sûr de toi ? Oui. Il faut que j'y aille . Tu te rends compte. J'ai un famille, une vraie. Fais gaffe quand même, le père noël ne passe que jusqu'à 6 ans et uniquement les 25 décembre. • Oui, oui, t'en fais pas. C'est du solide. • Je te présente Aïsha. • Bonjour. Stéphane. Je suis un ami de Karim. Aïsha se fendit d'un sourire et descendit de son siège pour lui faire la bise. • C'est vous qui travaillez aussi à l’hôpital. • Oui. • Vous êtes comme lui alors. • Comment ça ? • Vous voyez la misère du monde sans perdre le sourire. • On peut dire ça. Allez je vous laisse. Bonne journée. Mon train est dans une heure. Il regardèrent Stéphane avaler presque cul sec son demi et sortir, le visage radieux. Bizarre. • Tu ne m'avais pas dit qu'il était du genre taciturne ? Faut croire que son père à su lui donner de la joie après la mort. • Ca ne t'inquiète pas ? • Il est grand. Il sait ce qu'il fait. • Macho. Oui. C'était une réaction d'homme. Ce qu'elle ne devinait pas encore c'était le derrière. Le derrière de cette phrase. Et à quel point il s'inquiétait pour son pote. Tout cela ne semblait pas réel. Il l'avait quitté blasé et en moins de 24 heures, il le retrouvait enthousiaste. S'il ne le connaissait pas davantage il aurait pu croire à la prise de stupéfiant. Mais en fait c'était pire. Bien pire. C'était l'amour fou. Celui que l'on espère depuis si longtemps qu'il vous fait perdre les pédales. • Je peux te demander un truc ? • Oui. Bien sûr. • Promets moi de me gifler si jamais tu me vois changer ainsi.
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