Le jour était déjà là. A moins que ce ne soit le même. Ses poignets lui faisaient encore l'effet d'avoir subi l'assaut d'une centaine de chenilles urticantes. Machinalement, Karim les frotta sans le moindre effet. Ça grattait toujours. Comme son esprit d'ailleurs. Il le grattait. Il le grattait durement. Une nuit, ou une journée, peu importe. Sa cervelle était en lambeaux d'avoir répondu encore et encore aux mêmes questions. « Êtes vous un terroriste ? Pourquoi étiez vous à Notre Dames des Landes ? Connaissez vous Anna Karatic ? Quel lien avez vous avec elle ? Qui est Stéphane Peyroux ? Connaissez vous Noé Ouedraougo ? Quels sont vos liens avec eux ? Quand l'attaque a eu lieu vous trouviez vous ? Pratiquez vous l'Islam ? Êtes vous musulman ? Qui est Aisha Laubet ? Depuis quand la connaissez vous ? Depuis quand êtes vous propriétaire ? Connaissez vous Frédéric Karatic ? Pouvez vous nous dire comment vous êtes arrivé à Notre Dames des Landes ? Connaissiez vous ces gens avant de monter dans leur voiture ? Saviez vous qu'une opération de police allait avoir lieu ? Si oui quand l'avez vous appris ?» Et d'autres auxquelles il avait du avoir bon. Puisqu'il était dehors. Avec les poignets endoloris et certainement une jolie fiche S classifiée dans les dossiers de la Sûreté Nationale. Mais dehors. Il prit une profonde inspiration. L'air était frais. Et il sentait bon. Bon le début d'été. Au dessus de lui le soleil était encore timide. Il se rendit compte qu'ils ne lui avaient pas redonné sa montre. Tant pis. Hors de question de remettre les pieds dans cette usine. Il ne savait combien d'inspecteurs, lieutenants, commissaires, il avait vu. Tous avec les mêmes questions. Sur des tons différents. Parfois agressifs. Parfois amicaux. Mais il avait toujours dit la même chose. La vérité. Et maintenant, il était de nouveau libre. Et amoureux. Oui. Il ne pouvait plus le nier. Il ne pouvait plus le nier parce que le compte qu'il tenait n'était plus ceux de son abstinence mais de ses nuits avec elle. Elle était en face, les yeux encore rouge du manque de sommeil. Il avait donc du rester plus de 24 heures au commissariat. Ce fut elle qui traversa le carrefour pour poser un baiser sur ses lèvres sèches. De la pêche. Un oasis au Sahara. • Je t'aime • Bah !?! Qu'est ce qu'il t'arrive ? • Laisse tomber. Excuse moi. Rentrons. • Ça va être compliqué. Alors qu'il remontait vers Carnot, elle lui expliqua qu'elle avait passé la journée il était 17 heures- à appeler tous les services de l’État pour se faire rembourser les dégâts causés dans son appartement pour finir par recevoir une bâche en plastique. Elle avait posé des meubles lourds devant la porte et tendue la bâche et l'avait attendue ici pendant, quoi ? Vingt minutes ? • Donc j'ai pas passé la nuit ici ? • Ben non, juste la journée. • Et tes yeux ? Pourquoi ? Parce que mon joli, je viens d’enchaîner une garde de nuit et une journée à réparer les conséquences de tes actes. • Écoutes, tu sais que... • Je sais, je sais. • On fait quoi maintenant. L'hôtel ? • Tu me prend pour qui ?
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Le masque sous la peau
L’ANTIDOTE