La chaleur commençait à s'estomper. Le vent à se lever. Enfin un brin de fraîcheur. Nous n'étions qu'au mois de mai mais déjà les premières chaleurs se faisaient vigoureuses. Pour Noé. Pour ses filles c'était autre chose. Ils étaient arrivés au parc Blossac peu après 16 heures. Et depuis, elles jouaient tour à tour avec un ballon, une cerf volant et une frisbee. Increvables. Il les regardait, indifférentes à ce qui passait autour d'elles. Indifférentes au monde. Quelquefois, elles venaient lui faire un bisou et croquer un petit gâteau ou boire une gorgée d'eau. Puis elle repartaient. Leur complicité était quelque chose qu'il n'avait jamais remarqué, ni même senti jusque là. C'était sans doute le fruit du divorce. Elles ne se quittaient jamais. L'une et l'autre était la constante que la destruction de leur foyer ne leur fournissait plus. L'espace d'un instant, alors qu'il voyait sa plus jeune courir après le frisbee, il se demanda à quel point cela affecterait ses vieux jours. Il était, après tout, celui qui avait tout foutu par terre. Et il y avait, de cela, une conséquence probable inaliénable. Il crèverait seul. Avec le mépris de ses propres enfants. Il fut tiré de son spleen par son téléphone. Le boulot. • Oui ? • On le laissera pas faire. • De quoi tu me parles ? De sa plainte. Il a dit qu'il allait déposer une plainte contre vous. On ne le laissera pas faire. Pas après la merde qu'il a foutu Ziad. Je sais ce que vous voulez. Mais j'ai peut -être été trop sur son dos, et... et nous ne faisons pas de politique. Que lui ait tenu des propos limite ne justifie pas son licenciement. J'en ai reparlé avec Rabotin ce matin. Attendez vous à voir un nouveau directeur. • Conneries ! Noé n'eut pas le temps de le rassurer. La communication était déjà coupée. Et il n'avait pas envie de le rassurer. Lui savait déjà qu'il allait quitter Poitiers. Direction Bordeaux. Et l'inspection des comptes. Les flics du Crédit Populaire. C'était peut-être sa place. Au moins ses filles auraient une bonne raison de le mépriser. • On rentre papa ? Camille arrête pas de pleurer. • D'accord. Va chercher ta sœur. J'ai du coca dans le frigo. • Ouais ! T'es le meilleur des papas ! Elle l'embrassa sur la bouche et courut à la recherche de sa grande sœur. Bien que ce fut elle qui avait subi sa déchéance, Julie restait celle la plus proche de lui. Elle était égale à elle-même. Aucun changement malgré le changement de condition. Oui. Il ne serait peut-être pas tout seul en fin de compte. Comme elles arrivaient toutes les deux, son téléphone vibra dans sa main. Karim • Ouais ? • Il faut qu'on se voit. Peut -être qu'on bouge. • Stéphane. • Sa sœur. T'as du nouveau ? Faut qu'on fasse le point. Je sais que Favreau est venu te voir . On doit l'aider. Pas question de faire autre chose. Et j'ai des choses aussi à te dire. • Ce soir ? • Demain. Où ? • A la gare. Prépare le prix d'un billet pour Nantes. • A demain. • Ouais. Bisous, vieux. Il raccrocha et fourra son téléphone dans sa poche ses filles étaient accrochées à ses jambes . Il les repoussa sans qu'elles ne fassent autre chose que rire avant de revenir à la charge. Quelques secondes seulement. Le temps de refermer le dossier de Favreau. Et de faire disparaître le masque de Guy Fawkes.
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Le masque sous la peau
L’ANTIDOTE