Après s'être vu , ou plutôt , aperçu dans la glace des chiottes du TGV qui le menait à Bruxelles, Stéphane avait évité tout regard et passait son temps, la casquette baissée à réfléchir à ce qu'il venait de vivre. Et ses pensées étaient beaucoup moins vives que le train. La nausée était de la partie. Une nausée mauvaise, pleine de bile et de sucs gastriques. Il n'avait rien mangé depuis....depuis quand ? Depuis que sa belle mère lui ait concocté un festin. 48 heures. Bientôt 72. Son visage était tuméfié comme on voulait le faire d'un homme jusqu’à ce que cela ne garantisse plus sa conscience. Il avait envie de porter un masque. Il avait réussi à leur fausser compagnie uniquement grâce à cela d'ailleurs. Le pentotal devait le garder docile et immobile. Le coup de feu et les questions qui avaient suivi l'avait rendu plus alerte qu'il ne pensait. Et quand ils leur avait parlé de New York, ils avaient ri. C'était sa chance. Qu'il le prenne pour ce qu'il était. Un type qui cherche sa sœur. L'espace d'un instant, au moment de se lever il pensa à son demi frère. Mais il n'y avait plus rien à faire pour lui. En regardant en arrière il ne voyait même plus son corps. Son portable avait sonné dix mètres de course dans la rue plus tard. Il n'avait pas répondu. Ce pouvait être eux. C'était Karim. Il avait filé à la gare. Et la tête ainsi boursouflée descendu jusqu'au SixT sans qu'on lui demande quoi que ce soit. La nuit était tombée sur Nantes. L'agent Sixt lui loua un SUV sans rien dire. Même si la photo de sa carte d'identité ne ressemblait pas au visage qu'il présentait. Ça n'avait pas d'importance. Il payait en liquide. Invisible. Intraçable. Anonyme. Les choses avaient viré de travers quand il était arrivé à l'entrée de la départementale qui menait à la ZAD de Sainte Marie des Glandes. Là, il avait essayé de joindre Karim. Mais le réseau était HS. Il s'était garé dans bosquet et avait vu le mouvement des gendarmes mobiles avançant comme dans une ville assiégée. Il comprit alors qu'il allait devoir trouver un chemin de traverse pour empêcher sa sœur d'être traitée comme une opposante politique dangereuse. Ce qu'elle n'était pas. Elle était tout le contraire. Il regarda encore son portable en traversant champs après champs. Toujours aucune barre. Pas moyen de joindre Favreau non plus. Puis il entendit le premiers cocktails molotov exploser. Qu'en était il de ses potes ? Putain. Il venait encore d'emmener tout le monde dans le chaos. Il composa le 112. • Service secours. Quel est votre position ? • Sainte Marie des Glandes . La ZAD • Ne quittez pas. Il n'en avait pas l'intention. Le téléphone toujours rivé à l'oreille il enjamba au moins deux clôtures et sentit son œil droit céder, répandant de la lymphe et brouillant sa vision. Il n'était plus guidé que par le bruit. Sporadique. Sans savoir qui lançait quoi à qui. • Police secours, j'écoute. Oui, voilà, j'ai ma sœur qui est à la Zad de Sainte Marie des Glandes et il fau... Une opération de maintien de l'ordre est en cours. Êtes vous à proximité ? • Oui. J'entends le feu d'artifice. Veuillez arrêter votre progression et rejoindre la départementale. 115 mètre à droite. • Comment vous savez ça ? • Géolocalisation, monsieur. Avant qu'il n'ait le temps de raccrocher une explosion surpuissante fit d'abord sentir son souffle le projetant dix mètres en arrière et finissant de brouiller sa vue. Puis le bruit de l'explosion vint jusqu'à lui avec le vent des cendres. C'était comme si on venait de faire sauter le World Trade Center à côté de lui.
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Le masque sous la peau
L’ANTIDOTE