Deblaix le regardait, les pieds sur le pas de porte de son bureau l'on devinait des cartons de déménagement. Il le regardait sans haine ni colère. Plutôt avec un mélange de jubilation et de fierté. Noé n'avait aucun mal à deviner ce qu'il pensait. « Il y a quand même une justice dans ce pays ». Ou quelque chose dans le même style. Les autres de ses collègues avaient toujours leur verre de champagne à la main. Caroline avait les larmes aux yeux. Et Noé savait aussi ce qui sonnait dans leur tête. Car c'était aussi dans la sienne . « Qu'est ce que c'est que ce bordel ? » Il se laissa mettre les menottes sans résister et suivit les deux policiers en uniforme jusqu'à la voiture garée devant l'entrée de la Banque. Il crut entendre quelqu'un dire « Non ! » mais n'en était pas sûr lorsque les bruits de la petite fête qu'il avait concocté pour eux s'évanouit pour de bon, les portes de la 307 fermées et les sirènes allumées. Là, il posa la question. • Mais enfin, c'est quoi ce bordel ? • Vous l'avez lu M. Oudrago. • Ouedraougo. C'est, ça, vous l'avez lu. C'était sur le papier que vous avez encore en main. Vous pouvez encore le relire si vous voulez. Ah non ! Vous êtes menottés. Désolé. Faudra attendre. Il les entendit rire, le conducteur et celui qui venait de l'humilier avant qu'il ne remonte la cloison et que Noé se retrouve coupé du monde. Par sa fenêtre, les lumières des Couronneries ne durèrent que le temps de rattraper la Porte de Paris. Le commissariat central. Normal. Comme il ne s'attendait pas à voir longtemps du bleu et des uniformes, ni même des pictaves. Ce serait la section financière de Paris. Un détournement de fonds de cette ampleur de la troisième caisse de la première banque mutualiste du pays méritait ce traitement. Évidemment. Alors il réussit à formuler la question dont tout cela découlait. Qui ? Qui l'avait piégé ? Les noms ne manquaient pas malheureusement. Et les raisons non plus. Rabotin. Potier. Deblaix. Oui. Deblaix. Ses collègues avaient fait du bon boulot. Mieux. Ils l'avaient complètement discrédité. Pendant qu'il courait après la sœur de son pote, eux, réunissaient tous les témoignages et toutes les preuves à charge. Son cas venait d'être examiné la veille par Bordeaux. Il paraît que cela avait duré moins de cinq minutes. Le temps de lui signifier son licenciement pour faute grave et le dépôt d'un plainte pour incitation à la haine raciale. C'était pour ça, parce que Caroline lui avait laissé un message alors qu'il était sur le retour de Nantes à ce sujet, qu'il avait trouvé normal de faire sauter le bouchon. Ils avaient passé une journée habituelle. Enfin... Pour la première fois depuis des semaines ne pas voir de clients ulcérés partir en insultant tout le monde, avait allégé la pesanteur du lieu. Et quand les premières gouttes avaient couru jusque dans le gosier de tous, ils éprouvaient même une certaine forme de fierté et un véritable sentiment d'appartenance. Alors, oui. Il n'était pas prêt d'oublier le sourire triomphant de Deblaix.
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Le masque sous la peau
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