C'en était devenu une obsession. Depuis quatre jours, la première chose que Stéphane faisait en ouvrant son bouclard était de visionner les vidéos de surveillance. Le type qu'il avait chopé la veille n'était qu'un pauvre tocard qui se prenait pour crocodile dundee. Il avait failli lui refaire le râtelier. Le mec était parti en courant sans rien acheter. Pas même une boite de petit pois. Aujourd’hui, les bandes vidéos étaient vierges. Personne. Personne avec un chapeau, une écharpe et des lunettes. Juste le vide de son rayon de conserves. Pendant vingt quatre heures. Il se renfonça dans son siège et s'aperçut qu'il ne s'était pas rasé depuis quelques jours. Ça grattait sous ses doigts. En faisait il trop ? Tout cela ne se chiffrait qu'en dizaines d'euros. Sans doute un clodo du plateau qui ne savait plus où chasser. Il ferma les vidéos et alla s'installer à son comptoir. Les chiffres étaient bons. Il encaissa coup sur coup trois baguettes d'Yvan. Elles étaient un peu noires ; certes. Mais valait deux fois moins chers et étaient disponibles deux heures plus tôt. Yvan ne lui en voulait pas. Au contraire, il était aussi heureux que Stéphane de leur partenariat. Il s'était même mis à faire ses propres viennoiseries. Lui aussi profitait. C'était bien. Sa femme lui avait même confié que des gens du plateau et des environs venaient jusque chez eux pour acheter les pains au chocolat d'Yvan. Stéphane s'était senti moins coupable à cette annonce. Parce qu'au fond, il profitait de lui. Des baguettes 75% leur prix. Une marge de 50 %. Son plus gros profit. Après l'alcool. L'alcool. Il se leva de son comptoir, ferma la session excel et s'avança vers ce nouveau rayon. Il était à l'entrée. On ne pouvait pas le rater. Gain de temps. Gain d'argent. Discrétion assurée. Stéphane baissait toujours les yeux quand les gens posaient leurs bouteilles. Par pudeur. Il se souvenait sa belle mère, harcelée par ce type, un parmi les autres, qui ne trouvait que des pansements dans le gin. Il les remerciait tous. Sans exception. Quand il arriva devant la part du rayon consacrée aux whisky, il vit que celui ci ne faisait pas recette. La première bouteille était toujours bien en place, prête à tomber. Ce n'était pas normal. Oui. Il vendait du whisky. Presque plus que du rhum et du perrier. Il retourna à son comptoir et ouvrit l'historique de son tableur sur le volet des alcools. Et les bouteilles de whisky qui y étaient insérées étaient en nombre. Quelque chose clochait. Dans son rayon. Sous ses yeux. Il allait se lever lorsque la sonnette qu’il avait fait remettre retentit. • Police. Tout le monde debout ! Et un rire gras pour accompagner cette entrée en matière. • Bonjour messieurs  • Salut l'épicier. • Peyroux. Stéphane Peyroux. • Ouais. Batte Man Et un autre rire gras. Les deux types, uniformes mal ajustés sur des ventres proéminents ne ressemblaient à rien d'autre que des fonctionnaires. A la seule différence des types des impôts qu'ils avaient une arme sur la hanche. Stéphane après sa bravade leva les bras et tenta de masquer tant bien que mal le manque de respect qu'il subissait. • Que puis je pour vous messieurs ? On a eu une plainte contre vous. Paraîtrait que vous avez une arme. • Une arme ? • Ouais. Le plus gros des deux, le quintal facile, avait déjà fait le tour de son comptoir et commençait à lancer le faisceau de sa lampe dans tous les coins obscurs. • Quelle arme ? • Du genre américaine, en bois. • Ah. Tenez. C'est juste au cas où. • Au cas où on voudrait vous voler des petits pois, c'est ça ? Stéphane comprit alors que Crocodile Dundee avait eu si peur qu'il avait été juqu'à porter son nom sur la main courante du commissariat des Couronneries. Oh. Je vois. Écoutez, je suis victime de vols à répétition ses derniers temps, justement dans les rayons de conserve par un type avec un chapeau et, disons que je me suis un peu précipité. • Précipité ? Je veux dire que j'ai dépassé les bornes. Je me suis excusé d'ailleurs. Et lui ai offert un bon d'achat. • Ouais. Le gros flic était maintenant dans sa remise. Installé devant l'écran d'ordinateur en train de pianoter allégrement. Il y avait un mot de passe pourtant. A croire que les geeks avaient aussi gangrené la police. • Il dit vrai. Viens voir Chris Le second flic alla le rejoindre. Stéphane lui emboîta le pas et constata avec eux ce qu'il venait de leur dire. La prochaine fois contentez vous de poser des questions. On n'a pas que ça à foutre. Bonne putain de journée M. Stéphane Peyroux l'épicier.
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