Stéphane n'avait pas passé une nuit aussi calme et profité d'un sommeil aussi réparateur depuis des lustres. Et en plus, au réveil, c'était Byzance. Finis la tasse de café et la cracotte. Place au chocolat, aux tartines grillées et au jus d'orange. Une fois lavé il s'était retrouvé avec sa belle mère et c'est que quelque chose lui parut clocher. Elle était toujours aimable et à ses petits soins. Elle ne l'embêta pas, le laissant aller dans le bureau de son père pendant qu'elle faisait le ménage et qu'ils attendaient tous les deux le retour du fils. C'était cela qui ne collait pas. Certes, son père était en rupture de traitement. Certes, il était parti pour le voir lui en ses derniers instants.Mais la mère ne montrait aucun signe d'affliction ou même de peine. C'est comme si tout allait pour le mieux. Ou pire qu'elle était soulagée. La journée passa ainsi, Stéphane se rendit compte que son père était devenu conseiller en sécurité et que de grandes boites faisaient appel à lui pour sécuriser convois, installations ou locaux. Son passé avait du jouer. Sans aucun doute. Mais celui ci était absent. Pas de médaille. Pas de casque bleu. Pas de drapeau des Nations Unies. Pas de photos de Dubrovnik ou Srebrenica. Pas même l'horreur des combats compilée dans un journal. Là aussi, cela avait dû glisser sous le tapis. Finalement le fils arriva vers 16h30 et de suite, il prévint sa mère qu’ils allaient boire un verre et qu'ils seraient de retour pour le repas. C'était bizarre. En France on mangeait et buvait en même temps . Dans un bar ou un resto. Stéphane mit ça sur le compte des différences culturelles. Et sur le fait que son demi frère connaissait mieux sa belle mère que lui. Sans doute était elle plus affectée qu'il ne le pensait. Cela le rassura presque. Ils prirent le métro pour quitter la banlieue huppée et atterrir dans le centre ville, en plein milieu des gratte ciel. Coincé entre tous les fleurons de l'économie allemande, face à la bourse et au building de la Banque Centrale Européenne, ils prirent place dans le FreundPlatz Kaffe. Un établissement bruyant et couvert d'affiche de propagande soviétique. Cela déconcerta Stéphane. « Ici, c'est comme Asterix » lui dit son demi frère. Il lui expliqua que ne serait ce que l'emplacement du bar, coincé entre les plus hauts buildings de la ville, tous propriété des plus grandes banques du pays, valait plusieurs dizaines de millions d'euros et que régulièrement des promoteurs venaient faire des offres au patron. La propriétaire avait tenu bon tout seul puis le lieu et son combat avait été médiatisé et vite, il était devenu l'endroit aller. L'aide de mécènes anonymes en avaient assuré la pérennité pour une génération voire deux ou trois autres. Il y avait un grand écran derrière la bar CNN était diffusée. Au bar, les gens ne cuvaient pas, ils s'écharpaient. A en juger par leur attitude, Stéphane comprit qu'ils parlaient politique ou économie et qu’aucun n'était d'accord avec l'autre. Charmant. Frederic le tira de sa contemplation et le fit s’asseoir à une table en retrait. De le bruit s'était presque évanoui. Lui restait les visages et les corps. Des Bobos. Je suis dans un repère de bobos, voilà ce qu'il se dit alors. Et quand il reporta son attention sur son demi frère, il ne put que persévérer dans son jugement. La veste en velours, la chemise de bûcheron canadien, la barbichette à la Lénine et les moustache à la D'Artagnan. Ici beaucoup de choses semblaient liées à l'apparence. Cela lui donnait l'impression d'un bar les traders venaient se vider le cortex et se changer les idées, en tenue du vendredi avant de retourner piller la planète, costume trois pièces et parfum de luxe collé au corps le lendemain matin. Un lieu faux en somme. Pourtant avec son baggy, ses jordan et sa casquette, Stéphane n'avait fait levé aucun regard. Au moins étaient ils tolérant. Ou en tout cas leurs regards étaient suffisamment discrets pour qu'il ne les remarque pas. • As tu vu ma sœur ? • De quoi ? • As tu vu ma sœur ? Là bas. Chez toi. Non, non, c'est pour ça que je suis ici. Pour remonter la piste. Notre père était persuadé que c'était d'ici que je la trouverais. Il m'a dit aussi, dans une lettre posthume, qu'elle courait un grave danger. Et que ceux qui l'entouraient aussi. • J'ai bien peur qu'il ait raison. Que sait tu des black bloc  ? • Des quoi ?
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Le masque sous la peau
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